“ there's gotta be a record of you someplace, you gotta be on somebody's books, the lowdown - a picture of your face, your injured looks. the sacred and profane, the pleasure and the pain, somewhere your fingerprints remain concrete, and it's your face I'm looking for on every street.” ♪

« Maman, maman, lis moi la suite de l’histoire s’il te plait ! » Tout en écarquillant ses grands yeux verts, la petite fille s’accrocha à la manche de sa mère qui venait de refermer le livre de contes qu’elle lui lisait chaque soir après l’avoir bordé. Hannah désirait toujours en entendre plus, la curiosité l’envahissait de plus en plus à chaque page, elle était impatiente d’écouter la suite. La voix de sa mère la berçait tandis que des aventures rocambolesques défilaient au fil de ses mots. Elle ne supportait pas quand sa mère arrêtait sa lecture alors que l’héros qu’elle idolâtrait était en position difficile. Elle n’aimait pas le mal, elle n’attendait que la fin heureuse de l’histoire, persuadée que la vie était pareille. Une succession de rencontres, quelques difficultés, de la magie et pour finir un heureux dénouement. « Je dois aller voir ton frère maintenant ma puce. Fais de beaux rêves. » Après un dernier baiser sur le front de sa fille, la mère partit. Hannah se renfrogna, elle était petite, capricieuse et trop gâtée, elle ne supportait pas de ne pas obtenir ce qu’elle voulait. Contrairement à elle, son frère, de quatre années son aîné, devait faire de grands efforts de négociations pour obtenir ne serait-ce qu’un dixième de ce qu’elle avait, il se montrait jaloux et ne s’occupait guère d’elle quand ses parents le lui demandaient. Des fois, il s’amusait à lui faire peur, à l’enfermer dans un coin obscur où elle pleurait à chaudes larmes pendant de longues minutes qui paraissaient être une éternité. Ils grandissaient ainsi tous les deux dans une atmosphère conflictuelle renforcée par les perpétuelles remarques cinglantes des deux parents. Mr et Mrs Doyle pensaient être justes et ne préférer aucun enfant à l'autre, mais ils le faisaient involontairement, craquant devant le visage de poupée d'Hannah. La petite se renfrogna et remonta sa couette au dessus de sa tête dans un ultime geste d'énervement.

* * *

« Passe moi la télécommande ! » Cria Hannah, ses yeux lançant des éclairs, et son teint se rougissant tellement elle était furieuse. Le frère la regarda de ses yeux remplis de dédain, il plaça l'objet convoité à une hauteur hors de portée de la petite. Il pensait que son impuissance la calmerait, mais ce fut l'effet opposé, elle commença à hurler, capricieuse, elle était butée et n'avait pas l'intention de faire de concession. Son frère avait dix-sept ans, elle en avait dix, mais cette différence ne la déconcertait pas. Leurs parents étaient partis en ville, les laissant tous les deux, ayant une entière confiance en eux ... Ils n'auraient probablement pas dû ... La petite fille était fine, légère et vive. Elle sauta d'un bond sur son frère qui s'était installé pour regarder ce qu'il voulait, et commença à le griffer de toutes ses forces. Il la repoussa, surpris et en l'éloignant, elle tomba et se cogna la tête contre la table basse qui se trouvait là. Elle éclata en sanglots tandis qu'une goutte de sang perlait de l'arrière de sa tête. Elle hurla : « Je vais tout dire à papa et maman ! » Puis elle courut s'enfermer dans sa chambre sans que son frère n'ait pu faire un geste vers elle. Il resta là, hébété, tandis que ce qu'il avait voulu regarder continuait de défiler sur l'écran de la télévision. Hannah était la petite protégée, il n'osait imaginer la punition qu'il allait devoir subir dès que leurs parents allaient être mis au courant par la petite peste. Il se retrouva un instant démuni et sentait les larmes monter. Il se reprit et d'un mouvement d'humeur, il lança la télécommande contre le mur, puis monta dans sa chambre, enfouissant sa tête entre ses mains, attendant avec appréhension le retour des parents.

* * *

Hannah passa lentement sa main sur ce qu'il subsistait du moment qui avait poussé son frère à partir. La marque de la télécommande sur le mur. Cette marque était restée tandis que sa blessure à la tête avait cicatrisé depuis bien longtemps. La jeune femme avait maintenant vingt-six ans, elle n'avait pas vu son frère depuis qu'elle s'était agrippée à lui dans l'intention de le blesser. Elle n'avait pas pu s'excuser, n'avait jamais dit l'entière vérité. Elle n'avait jamais osé, elle avait continué sa vie comme si elle était innocente, comme si elle n'avait jamais rien fait de mal. Mais maintenant, cette situation ne pouvait plus durer, elle avait grandi, elle n'était plus cette petite fille qui faisait tout un caprice pour obtenir le moindre présent. De plus, elle était devenue une avocate et avait donc compris l'importance de la vérité et de la justice. Il était temps qu'elle fasse ce qu'elle répétait à longueur de journée à ses clients, aux gens qu'elle défendait à tout prix : « dire la vérité ». Elle avait réuni ses parents dans le salon, un endroit où toutes traces du frère avaient disparu dès qu'il avait fait ses bagages et était parti. « Maman, Papa. Il y a quelque chose que je dois vous dire depuis longtemps, que j'aurais dû vous dire ... » Elle raconta l'événement tel qu'elle s'en souvenait, avec exactitude. Elle se surprit à avoir une voix chevrotante, elle avait presque les larmes qui lui venait aux recoins des yeux. La culpabilité l'habitait. Elle avait mis du temps à s'en rendre compte mais son frère lui manquait, et ils ne s'étaient pas quittés en bons termes puisqu'ils ne s'étaient pas adressés la parole depuis l'incident. Ses parents l'écoutèrent, déchirés entre le souvenir de leur fils parti trop tôt de la maison et la fait qu'ils savaient pertinemment qu'ils avaient eu une réaction exagérée à cette époque, se préoccupant trop et exclusivement d'Hannah. « Nous n'avons pas eu de nouvelles de ton frère depuis qu'il est parti ... Je. » Mrs Doyle s'arrêta et éclata en sanglots tandis que son mari l'entourait de ses bras. « Je vais aller le chercher. » Ses parents redressèrent la tête et virent le regard déterminé de leur fille. La petite blondinette capricieuse avait bien changé durant ces années, elle était devenue une femme mure et sûre d'elle.« Faites moi confiance, je le retrouverai. »

* * *

Deux années avaient passé. Deux années d'enquête. Ponctuées d'entretien avec les anciens amis de son frère. Plusieurs lui avaient révélé que son frère avait toujours eu comme désir secret d'entrer dans l'armée. Hannah était étonnée, elle ne l'aurait jamais imaginé. Elle réalisait qu'elle ne connaissait pas son frère comme elle le pensait. Il avait été un étranger pour elle durant toute son enfance, elle n'avait toujours été intéressée que par elle-même. Mais cela était en train de changer. Elle décida d'aller s'installer près de la base de Redstone, l'endroit que tous les anciens camarades de son frère lui avaient désigné. Elle avait voulu mettre sa carrière d'avocate entre parenthèses, mais elle n'y parvenait pas, son métier lui collait à la peau et elle ne pouvait pas l'abandonner. Elle continuait donc à distance de s'entretenir avec ses clients, en trouvait d'autres. Décidée, elle trouverait son frère, quitte à fixer tous les hommes dans la rue, espérant reconnaître ses traits.