Je regardais par la fenêtre, le taxi était déjà là depuis dix minutes et je n'osais pas quitter la maison pour monter dedans, pourtant il le fallait. Deux valises m'attendaient devant la porte d'entrée, je partais, je quittais ma ville natale. Dix-huit ans que j'habitais sous ce toit, à Auckland en Nouvelle-Zélande. Pourquoi partir? Bonne question. J'ai un petit ami auquel je suis très attachée et il m'avait proposé qu'on prenne un appartement ensembles. Ça devait être quelque chose de simple, pourtant à mes yeux c'était bien plus compliqué. Car bien que j'étais attachée à ce garçon, Adrian, mon cœur appartenait à une autre personne ; à Freddy, mon meilleur ami. Je connais tout de lui et pour cause on a grandi dans le même quartier, toujours collés ensembles du matin au soir. Je suis capable de dire d'où vient sa cicatrice sur son bras comme il est capable d'expliquer d'où vient ma cicatrice du genou que je me suis faite en tombant à vélo, car oui il était là ce jour-là. Il était là dans les bons comme dans les mauvais moments. Il était là lors de mes galas de danse, et pleins d’autres choses et j'ai été présente lorsqu'il a perdu son père. Fille unique, il a été le frère que je n'ai jamais eu, mon ami, mon confident. On dit que l'amitié fille-garçon ça ne marche pas et pourtant pendant toutes ces années ça ne nous a jamais causé de problème. Jusqu'à l'adolescence où les hormones ont commencé à me travailler sûrement, c'était de plus en plus dur de le voir avec des filles, ou de soutenir son regard ou alors de ne pas craquer lorsqu'il me souriait. J'avais mis du temps à me rendre compte que j'étais tombée amoureuse de lui, et pourtant je n'ai jamais été capable de le lui dire car son amitié était plus importante. Tout comme l’huile et l’eau, on ne mélange pas l’amitié et l’amour. J'avais fini par rencontrer Adrian, un gars très sympa avec qui je me sentais bien, et si il fallait nous donner une chance il fallait que je prenne les distances avec Freddy. Et puis a dix-huit ans il était temps que je prenne mon indépendance. Prenant mon courage à deux mains, je refermais le rideau de la fenêtre pour retourner dans l'entrée où mes affaires m'attendaient. Empoignant la porte je tombais alors nez à nez sur quelqu'un qui m'était très familier, il s'agissait de... Freddy justement ! Ce n'était pas du tout le plan que j'avais prévu dans ma tête, j'avais fait exprès de partir aujourd'hui car il ne devait pas être là, je ne voulais pas lui dire au revoir, je savais qu'il pouvait me faire rester, c’était lache mais pourtant c’était mon plan de départ, mais là ça avait l’air de partir en sucette.

« Fred ? que ce que tu fais ici ? Je croyais que tu étais parti avec ta famille aujourd'hui ! »

Non non non il ne fallait pas qu'il soit là... Mais il m'entraîna dans mon salon qu'il connaissait par cœur vu le temps qu'il avait pu passer chez moi pendant toutes ces années. Si il n'était pas chez moi j'étais chez lui, on connaissait par cœur la maison de l'autre. Je ne compte plus les nuits où j'ai dormi chez lui car je ne voulais pas rentrer sous la pluie.

« Oui, enfin non ... il fallait que je te parle, c'est assez important !

On s'installa sur mon canapé, il m'inquiétait qu'est ce qui pouvait être important? Avait-il apprit par mes parents que je partais? Impossible je leur avais fait jurer de ne rien dire à la famille Hadgins. J'étais la seule fille des Eriksen, alors j'avais toujours été très proche de mes parents. J'ai grandi avec un père dessinateur de BD et une mère journaliste, ils m'ont toujours encouragé dans la vie et bien qu'ils ne voulaient pas que je parte ils ne m'en avaient jamais empêché au contraire, ils m'ont toujours laissé faire ce que je voulais, de véritables amours... Alors si j'avais dit à mes parents de garder mon départ secret je pouvais être sûre qu'ils n'avaient pas vendu la mèche.

«  Oui ! Important à ce point ? Je suis assez pressé Freddy dit moi tout ! »

« Je t'aime Sawyer ! »

Je souris avant de rire. Ce n'était pas la première fois qu'il me le disait, on se l'avait souvent dit, il était mon meilleur ami alors c'était normal qu'on s'aime. Mais notre je t'aime ne voulait sûrement pas dire la même chose, lui il m'aimait comme une amie alors que moi c'était tout autre chose... Caressant son visage j'acquiesçais un sourire.

«  Mon Freddouille, je t'aime aussi ... mais je vais devoir .... »

Je ne pouvais pas en dire plus, je m'étais levée d'un coup pour ne pas croiser de nouveau son regard. De base je devais quitter la ville sans lui dire et là j'allais devoir lui dire de vive voix et c'était trop dur. Il me rattrapa, et, avec ses mains posées sur mes hanches il m'adossa contre le mur de l'entrée. Ça ne présageait rien de bon, à quoi jouait-il? Avant d'avoir pu poser la moindre question son visage se rapprocha du mien jusqu'à me voler un baiser, le baiser que j'attendais depuis si longtemps... Je devais arrêter tout ça mais pourtant mes lèvres continuaient de caresser les lèvres de mon ami, jusqu'à ce que la fameuse petite voix dans ma tête me raisonne. J'avais embrassé mon meilleur ami alors que je déménageais pour rejoindre mon petit ami. C'était plus fort que moi, et les larmes coulèrent le long de mon visage. J'avais attendu ce moment depuis si longtemps mais c'était trop tard, j'étais en couple maintenant et j'allais le rejoindre même si Freddy avait une partie de mon cœur.

«  Sawyer je t'aime bien plus qu'une simple amie, je ...

«  Non ! Tait toi Freddy ! Comment tu oses venir me dire ça là, maintenant ? Tu n'as pas le droit de faire une telle chose ! Mais bon sang qu'est ce qui te passe par la tête ! »

Pourquoi aujourd'hui? Tant d'années à l'aimer en silence et maintenant que je voulais prendre un nouveau départ pour l'oublier il fallait qu'il me dise ça. ..

«  Sawyer ? Pourquoi ... Je ne veux pas briser notre amitié Sawyer ! Mais je ne veux plus garder mes sentiments pour moi ! Je me suis rendu compte que tu étais bien plus qu'une simple amie pour moi ! Et ... »

Pendant toutes ces années je l'avais aimé, sans rien lui dire. J'avais été lâche, je n'avais jamais pris le courage pour lui avouer ce que je ressentais et aujourd'hui je m'en mordais les doigts... Mais c'était trop tard il y avait ce garçon a qui j'étais attachée et je ne pouvais pas tout annuler comme ça... Je voulais que Freddy arrête de parler car il rendait la tâche encore plus difficile. Je ne pouvais pas abandonner les projets car qu'est ce qui me disait que je serais heureuse avec Freddy?

« Il y a un homme dans ma vie Freddy ... »

Je le lui avais caché, je n'avais pas voulu le lui dire. Pourquoi? Je n'en sais rien. Mon copain avait beaucoup entendu parler de Fred, et bien qu'il ne l’ait jamais vu il ne semblait pas l'aimer, il semblait jaloux, et je peux le comprendre étant moi-même jalouse...

« Quoi ? Qui ça ? Mais depuis quand ? »

«  Peu importe depuis quand ? Ça n'a pas d'importance ! »

«  Pourquoi tu as attendu si longtemps pour me dire ça Freddy ! Pourquoi ? On aurait pu être ensemble .... Je t'aime aussi Freddy, mais ... c'est trop tard ! Je pars avec lui! Je pars continuer les études. »

Ma décision était prise, j'avais besoin d'un nouveau départ, de prendre l'air loin d'ici. Peut-être que je faisais une terrible erreur mais... Je prenais le risque.

«   Ne part pas Sawyer ... j'ai besoin de toi, je t'aime s'il te plaît ne me quitte pas ... »

J'avais mal au cœur. Presque vingt ans qu'on se connaissait... Mais il fallait que je parte, j'avais beaucoup de bons souvenirs ici, mais j'en avais aussi des mauvais. Soupirant, j'attrapais mes valises et je me dirigeais vers le taxi avant qu'il ne me rattrape de nouveau. On s'embrassait alors une deuxième et dernière fois, pour se dire au revoir.

« Adieux Freddy .... »

Une fois dans le taxi je m'effondrais de nouveau. Savoir que je n'allais plus le voir me brisait le cœur... J'étais sûrement stupide de partir, mais j'avais peur, peur de perdre ce que je trouvais de si beau dans notre relation.

Mon départ n'a pas été simple mais j'ai tout de même assumé le choix que j'avais fait. Honteuse, je ne lui ai jamais reparlé, étant heureuse auprès d’Adrian, j’ai gardé mes distances, mais je demandais toujours de ses nouvelles par mes parents. J'ai fait mes études de sage-femme, au final je me suis séparée d'Adrian, nous n'avions pas la même vision des choses. J'ai fini par rencontrer quelqu'un, un certain Jules qui venait en vacances en Nouvelle-Zélande avec des amis. Après quelques mois de relation à distance je l'ai rejoint aux États-Unis car oui monsieur est américain, un soldat américain même! Fiancée depuis un peu moins d'un an, nous devons nous dire oui dans quelques mois et je l'avoue maintenant, je commence à stresser un peu, comme toute future mariée, non?