« C'est pas comme ça que les choses fonctionnent miss maïs. » Le groupe de filles écrasa ses livres par terre, en la laissant au loin, se débrouiller seule, de leur démarche tellement assurée qu'elle sonnait fausse. Tout le monde passait son chemin, se contrefichant de l'autre. Cette école, prestigieuse pour son niveau, ne l'était guère pour son savoir-vivre. « T'inquiètes pas, quand elles sont comme ça, c'est qu'elles se sentent menacées. » Je lui tendais le reste de ses affaires, en lui offrant un sourire réconfortant. « Si tu le dis.. T'es là pour finir ce qu'elles ont commencé ? Si c'est ça, je te retiens pas. J'ai pas besoin d'un fils à papa. » Elle n'avait pas sa langue dans sa poche, c'était un point très intéressant et très différent des autres. J'arquais un sourcil avant d'échapper un léger rire. « T'en as peut-être pas besoin, mais tu en es entourée. Tu ferais mieux de t'y faire, Miss maïs. » Sourire narquois, je finissais de lui donner ses affaires avant de hausser les épaules.

Assise seule à sa table, elle le fixe, en se demandant comment est-ce que ce fils à papa peut être aussi gentil, mais aussi con. C'est peut-être une grande spécialité ici, peut-être qu'il n'a été qu'hypocrite avec X. Que ce n'était qu'un pari débile, d'aller voir la nouvelle, un peu comme s'il s'agissait d'une bête de foire. Soudain, quelqu'un vient poser sa main sur sa frêle épaule.

« Hé.. » Elle saisit ma main et la mit en position de torsion, j'échappais un léger râle de douleur, complètement surpris par la tournure de la situation. « Oh. Toi. Qu'est-ce-que tu veux ? » Elle renforça sa torsion, ne me quittant pas des yeux. « Que.. Tu me lâches, ce serait bien. » Elle relâcha toute pression, je distinguais quelques rougeurs sur ses pommettes. « T'as de la force pour une fille. Faut que t'ailles au gymnase, t'es attendue. » Elle arqua un sourcil, je haussais à nouveau les épaules, les mains dans les poches. « Les pompons, c'est toujours mieux que de tordre les poignets des gens. » Si je pouvais l'aider, je ne pouvais que mieux m'en porter. Elle était la seule à qui j'avais fait ce genre de choses. Peut-être parce que je sais qu'il n'est jamais évident d'être nouveau quelque part.

Ce fut les deux seules fois où les deux jeunes gens se sont adressés la parole. Deux mondes différents en apparence, dans une même enceinte. Chacun est parti de son côté, lui à MIT et elle, et elle.. Il n'en a jamais rien su. Il n'a jamais vraiment eu le courage d'aller la voir et de lui demander de danser avec lui le soir du bal, ni même de passer un peu de temps avec elle pour la connaître. Au lieu de ça, il avait été là pour elle, mais dans l'ombre. Il ne tenait pas à passer pour quelqu'un de gentil dans cette jungle de fous. Car ici, être gentil, c'était être faible et cela revenait à tendre le bâton pour se faire battre.

« Eaclain, maintenant que tu es à la tête de l'entreprise, tu devrais songer à prendre quelqu'un pour t'aider ou.. » Je le dévisageais directement. Moi ? Je n'avais pas besoin d'aide, il ne manquerait plus que ça. Ce n'est pas parce que c'est un assisté que tout le monde est obligé de l'être. « Prendre mon café le matin plutôt ? » C'était à moi que les rênes avaient été confiées, à personne d'autre et je voulais honorer la mémoire de mon père. J'avais déjà le conseil d'administration à supporter, pas la peine de me rajouter une gourde en plus. « Quoiqu'il en soit, les entretiens commencent cet après-midi. Il faudra faire ton choix Clay et évite de trop boire à ton déjeuner. » Très drôle. « Tu connais les russes, on ne peut pas leur dire niet. » Quelques heures plus tard, après la pré-sélection, finalement, une seule eut les critères requis pour le poste au final. Une jeune diplômée, qui apparemment, n'avait pas eu d'autre choix que de répondre à l'annonce pour pouvoir payer ses factures. Une Causette, encore. Du moment qu'elle était compétente, c'était tout ce que je demandais. « Bonjour. Je n'ai pas le temps, je vous emmène avec moi à Huntsville. Je vous attendrais là-bas au.. Stone Red Bar, vous avez noté ? » Je pris ma veste et sortis en retenant la porte quelques instants. Je pris mon téléphone et engageai une conversation avec divers partenaires, tout était en place. Je ne prêtais pas attention à la jeune femme. Si, je savais que c'était une femme, voilà. Il y avait plus urgent pour le moment.

Il était presque huit heures, aucun signe de ma nouvelle assistante. Bon, elle n'avait pas fait long feu très longtemps, mais c'était toujours plus que ses autres concurrentes. Je regardais ma montre, avant d'observer le bar. Beaucoup de militaires, à en juger par le carrure et leur coupe de cheveux. J'avais demandé un coin légèrement en retrait, pour pouvoir mieux observer et cerner cette ville nouvelle. L'ambiance, festive, ne tarda pas à se calmer. Les éclats de rires se faisaient moindre, le groupe de militaires avait comme trouvé le moyen de se taire, enfin. Une petite silhouette attirait tous les regards, ce qui avait piqué ma curiosité, c'était ce calme brutal. Une jeune femme, blonde, dans une élégante robe noire vint à mon bord, s'installa avec distinction. « Vous êtes.. » Elle m'interrompit. « En retard. J'en suis désolée. Impossible de trouver ce bar.. Je vous préviens, je ne suis pas du genre à être impressionnée ni quoique ce soit. Si cette sortie a un autre but que le travail, je vais devoir vous quitter. Je ne suis pas là pour ça. » Cette façon de parler me rappelait quelque chose.. Franche et directe.. « Il n'y a aucun problème, si j'ai envie de plus que du travail, je sais où aller. » Je ne quittais pas mon portable des yeux, envoyant quelques messages, en lisant quelques mails. Et puis, je relevais la tête, la scrutant du regard. « Excusez-moi mais.. je crois vous connaître. »

Depuis leur arrivée en Alabama, les deux jeunes gens n'ont cessé de se tourner autour, en faisant passer le travail comme excuse pour des marques d'affection. Ils essaient de rattraper le temps perdu, bien qu'Eaclain ait du mal à vraiment laisser paraître qui il est vraiment en sa compagnie alors qu'elle, elle semble comme retenue. Ils se cherchent et se tournent autour, sans que cela n'aboutisse à quelque chose. Ils tiennent à l'autre et s'apprécient mais sont trop gauches pour le reconnaître. De toute façon, Eaclain doit tomber amoureux de Cendrillon.