Mike est une personne patiente. Patiente mais avec ses limites. Il veut bien comprendre que certaines personnes mettent du temps à assimiler certaines choses, que d’autres soient plus énervants ou que certains soient toujours en retard mais il ne faut pas abuser. Ce n’est pas parce qu’il est patient qu’il se laisse abuser. Au contraire. Patient, mais aussi endurant. Il a une bonne condition physique qu’il s’oblige à entretenir quotidiennement. Son corps est ce qui lui permet de travailler. Un militaire sans force, qui se déplace avec une canne ne peut pas faire grand-chose, à part coordonner les missions derrière un bureau, bien au chaud. Mike est aussi capable d’endurer la douleur pendant longtemps. Il lui faut une bonne raison pour commencer à avoir des signes de faiblesses. Encore plus aujourd’hui, après avoir frôlé la mort.

Il est également serviable. Les mois passés à aider sa famille quand sa mère n’allait pas lui ont forgé le caractère. Il sait que, dans la vie, on n’a rien sans rien. Alors, il aide les gens qui l’entourent et ne les oublie pas, sait-on jamais si ils pourraient lui venir en aide à un moment donné. Mike a un caractère assez fort. Doux mais pas dupe, il ne se laissera jamais faire. Il déteste être manipulé et le fera payer à la personne qui osera se jouer de lui. Oui, il est rancunier. Mais pas pour tout et pas avec tout le monde. Lorsqu’il s’agira de ses sœurs, il sera incapable de leur en vouloir bien longtemps. Quand ce sera un inconnu, il sera plus dur. Il a parfois tendance à s’emporter quand la situation semble lui échapper et quand il voit qu’on lui cache quelque chose, toujours dans la crainte d’être manipulé contre son gré.

Déterminé et ambitieux, Mike a su se faire une place dans l’armée. C’est de cette manière qu’il était devenu Major il y a quelques années. C’est aussi grâce à cela qu’il était parvenu à se remettre de ses blessures et à survivre lors de sa détention. Et c’est aussi avec cette même ambition et cette même détermination qu’il espère reconquérir Charlie, ou du moins, se faire pardonner pour cette longue absence. Il a également une âme de conquérant. Quand il part en mission, il n’oublie pas les objectifs fixés et les gardent à l’esprit pendant toute la durée de ce séjour. S’il entame quelque chose, il doit absolument le terminer. Peu importe le temps que cela prendra, peu importe les moyens, il y parviendra.

Ces derniers mois, Mike est devenu craintif et méfiant. Il est encore marqué par son expédition au Tchad et certains souvenirs le hantent toujours. Il ne sait pas quand cela s’arrêtera, alors en attendant, il subit. Quand il entre dans une pièce, il s’arrête quelques secondes afin de s’assurer qu’il n’y a pas de danger. Lorsqu’une porte claque trop bruyamment, il a tendance à sursauter. Depuis trois ans, Mike est devenu plus solitaire. L’enfermement qu’il avait subi, puis la perte partielle de sa mémoire l’avaient plongé dans la solitude.

⊱ i was meant to be a warrior il aime les gaufres avec une bonne couche de chantilly par-dessus il a tendance à regarder à deux fois avant d'entrer dans une pièce, à cause de son enlèvement il fait quotidiennement des étirements et des séances de musculation pour maintenir ses muscles en bon état il a sucé son pouce jusqu'à ses douze ans et se cachait pour ne pas que l'on se moque de lui il a toujours une balle de baseball sur son bureau et jouer avec quand il réfléchit il trouve les lettres manuscrites ringardes mais tellement plus personnelles qu'un simple SMS il dort toujours sur le flanc droit son corps est encore marqué par les tortures subies il n'a jamais eu de petites amies quand il était jeune [/size]

« Comment allez-vous, Mike ? » « Bien, j’imagine. » « Vous vous sentez la force de parler, aujourd’hui ? » « Oui. » « Alors parlez-moi de vous. » C’était toujours le même rituel depuis qu’il s’était réveillé. Du fond de son lit d’hôpital, Mike essayait de se raconter, renouant avec les rires, les sourires et les douleurs du passé. Il se lassait de cet exercice. Ce n’était pas pour lui. Il avait toujours détesté parler de long en large de son histoire. Mais depuis quelques semaines, c’était ce qu’il faisait chaque jour pendant une heure et demi. Il finirait égocentrique, il en était certain. A chacune de ses séances, il avait l’impression que quelque chose lui échappait. Il y avait une partie de son histoire qu’il avait préféré occulter. Le médecin lui avait dit qu’il s’agissait d’une protection qu’il se dressait mentalement, pour se protéger des évènements tragiques du Tchad. Mika posa son regard vers la fenêtre. Il ressentait le besoin de sortir. Excepté la rééducation qui l’obligeait à sortir de sa chambre d’hôpital et les visites du psychologue, il ne voyait personne. Il n’avait qu’une hâte : sortir. « Mes parents, Sam et Margaret m’ont élevé dans la pure tradition américaine… »

… D’un père militaire et d’une mère institutrice étaient nés quatre enfants : trois filles et un garçon. Parfois, les journées étaient dures au milieu de temps de femmes mais cela avait au moins eu le mérite d’aider Mike à comprendre la gente féminine. Malgré les nombreuses absences de son père, le garçon se sentait proche de lui. Pas seulement parce qu’ils étaient les seuls hommes de la maison et qu’ils étaient animés par une solidarité masculine. Il y avait une telle douceur, un tel amour dans le regard de son père que Mike était heureux de le retrouver. Si son père s’absentait, c’était pour protéger sa patrie mais il était déchiré à chaque fois qu’il devait quitter sa famille. Quand Sam était à la maison, le visage de son épouse était illuminé et cela se ressentait dans toute la maison. La famille vivait toujours dans la peur d’apprendre qu’il avait péri lors d’une mission, alors ses retours étaient attendus avec impatience. Sam revenait toujours. Cependant, la mort n’arriva pas là où on l’attendait. A 16 ans, Mike apprit que sa mère était atteinte d’un cancer du cerveau. Une tumeur qui se révéla impossible à soigner. Ses sœurs et lui ne purent qu’assister au déclin de leur mère. Sam connaissait la nouvelle mais il lui était plus facile de travailler que de voir sa femme mourir...

« Est-ce que vous en avez voulu à votre père d’avoir fui ? » « Sauf votre respect, je ne pense pas que mon problème soit là. » « Vous avez raison mais je suis là pour vous aider, donc si vous pouviez répondre… » « Non, je ne lui en aurais pas voulu. J’aurais fait la même chose, si j’avais pu. Je me serais senti coupable par la suite, je pense. Voir une personne mourir est une chose, préférer passer ses derniers moments ailleurs en est une autre. » Ces souvenirs étaient douloureux. Entendre sa mère vous assurer qu’elle allait bien alors que ses mains tremblaient. Essuyer saut d’humeur sur saut d’humeur à cause du cancer. Puis devoir la nourrir à la petite cuillère dans son lit parce qu’elle était trop faible pour manger toute seule. Autant de souvenirs qu’il aurait aimé oublier. Il n’y avait que ce psy pour les lui rappeler. « Ensuite, il s’est passé quoi ? » « Ce qu’il devait se passer. Ma mère est… décédée. Il a fallu prévenir mon père qui était en Guyane, à ce moment-là. Ce fut une période douloureuse… »

Sa mère avait succombé à son cancer au bout d’un an de combat. Il avait fini par aller à l’hôpital pour avoir une assistance médicale quotidienne. Ses enfants ne pouvaient pas prendre soin d’elle en journée, avec leurs études. Tous les soirs, en rentrant du lycée, Mike passait la voir. Il restait jusqu’à tard le soir, aimant la voir dormir paisiblement. C’était les seuls moments où elle semblait apaisée. Pendant qu’elle dormait, il faisait ses devoirs silencieusement. Au bout d’une certaine heure, il était obligé de rentrer pour dormir à son tour. Il retrouvait alors une maison calme. Silencieuse. Deux de ses sœurs étaient parties à l’université et la plus petite préférait rester à la maison. Leur père ne pensait toujours pas revenir. Il fuyait la mort qui vivait dans le regard de sa femme. C’était une réelle souffrance. Le jour de l’enterrement de Margaret. Sam était revenu. A son regard, Mike réalisa qu’il s’en voulait. La femme qui venait de mourir était l’amour de sa vie. Avec elle, il avait fondé une famille, il avait vécu les plus belles années de sa vie et il avait fui, lâchement. Accompagnés des membres de leur famille et de proches amis, la famille Monroe assistèrent aux funérailles. Tristement, Mike avait eu le temps de se faire à l’idée. Il avait vu sa mère s’éteindre à petits feux. Il savait que ça arriverait un jour ou l’autre. Quelques jours avant de mourir, elle lui avait fait promettre de ne pas pleurer. Il aurait le droit de pleurer avant et après l’enterrement, mais pas pendant. Il devait être fort pour ses sœurs et son père. Il devait l’être. Alors il se retint. Il ne sut comment il fit mais il y parvint. Il avait fait une promesse, il se devait de la tenir.

« C’est là que vous avez voulu entrer dans l’armée, n’est-ce pas ? » « On a déjà eu cette conversation des milliers de fois, vous connaissez la réponse. » Il se redressa avec une grimace. Il portait encore les séquelles des tortures infligées lors de sa séquestration au Tchad. On lui avait dit ce que ces terroristes lui avaient fait. On lui avait raconté les méthodes qu’ils avaient utilisées mais rien ne lui revenait. Il n’avait toujours pas de souvenirs de cette période. « Peut-être qu’un détail peut vous revenir, c’est pour cela que j’insiste. Donc après le décès de votre mère, vous avez voulu vous engager. Pourquoi ? » « Parce que je voulais faire quelque chose d’important dans ma vie. Je venais de perdre ma mère, j’étais perdu, seul dans cette maison. Il me fallait une mission. Un but dans ma vie. Et je l’ai trouvé grâce à l’armée. » « Je vois. Et si nous parlions du Tchad ? » « Je vous l’ai dit, je ne me souviens de rien. » « D’accord, d’accord. Et si nous parlions de Charlie ? C’était votre petite-amie. » « Oui, elle l’était… Je ne sais même pas ce qu’elle est devenue ! Tout ce que je me souviens d’elle, c’est… ses cris. »

Le Tchad était un souvenir qui restait encore flou. Mais il se souvenait parfaitement de Charlie. Ils s’étaient connus bien avant cette époque. Il l’avait charmé avec son sourire. Entre eux, ça avait tout de suite marché. Mike se voyait déjà aller loin avec elle. Il imaginait les choses en grand, même s’il se voulait raisonnable. On n’était jamais sûr de rien avec leur métier. Surtout, Charlie était une jolie femme. Elle était sûrement très convoitée dans ce monde d’hommes. Il ne voulait pas se faire de faux espoirs. Mais rapidement, il s’avéra qu’ils partageaient les mêmes projets. Mariage, enfants, maison. Ils finiraient leurs vieux jours ensemble, Mike en était certain. Et puis il y avait eu le Tchad. Bon sang, pourquoi les avait-on envoyés là-bas ? C’était là que ses souvenirs disparaissaient. Il se souvenait uniquement des cris qu’elle avait poussés quand ils s’étaient fait attaquer lors d’un déplacement de routine. Ils devaient juste visiter un village. En principe, il n’arrivait rien. Ils n’avaient pas à se méfier. Peut-être qu’ils auraient dû, ça leur aurait évité d’être kidnappés et enfermés pendant une vingtaine de jours dans des geôles de fortune. De ces quelques jours, il se souvenait seulement d’avoir ressenti une peur immense. La peur de ce qui était infligé à Charlie, la peur de ne pas revoir la lumière du jour, la peur de ne pas survivre.

« Ce n’est pas grave si vous ne vous souvenez pas de tout immédiatement, ça reviendra. » « Qu’ont-ils fait à Charlie ? » demande abruptement Mike. C’était la première fois qu’il posait cette question. La première fois qu’il osait la dire à haute voix. Il n’avait pas vu Charlie depuis des mois. Il ne savait pas ce qu’elle était devenue, ni ce qu’elle faisait aujourd’hui. Il avait interdiction de communiquer avec son ancienne base militaire tant qu’il n’aurait pas discuté avec les autorités. Il voulait savoir. Ce médecin était le seul à pouvoir le lui dire. « Comment ça ? » « Qu’est-ce qu’on a fait subir à Charlie quand nous étions là-bas ? » Le psychologue reposa stylo et carnet et fixa longuement son patient. Comment lui dire ? « Vous savez, Mike, là-bas, on ne traite pas les femmes militaires comme les hommes. D’autres… types de tortures sont appliqués. » « Lâchez le morceau ! » « Le viol est la pratique la plus courante, malheureusement. » Le viol… qu’il y avait-il de pire pour une femme que ça ? Charlie devait être brisée. Il n’était même pas là pour la soutenir. Il était coincé dans ce foutu hôpital depuis des mois pendant que sa petite-amie devait vivre avec des vols sur sa conscience. « Combien ? » « Mike, je ne pense pas que… » « Dites-le moi ! » « Probablement des dizaines de fois. Je suis désolé… » Le silence s’installa pendant que Mike digérait la nouvelle. Qu’est-ce que valait la douleur physique face à la douleur mentale ? Le physique se réparait, reprenait de ses forces alors que guérir mentalement était bien plus long, bien plus difficile. « Je suis fatigué. » « Je comprends. Je m’en vais. Mais Mike… vous ne pouvez rien faire maintenant. Vous allez être entendu par le gouvernement et vous serez sûrement mis sous protection pendant quelques mois afin de s’assurer que vous ne courriez aucun risque. On ne sait pas non plus quand vous retrouverez la mémoire… vous ne pourrez pas la contacter avant longtemps. »

Ce qu’il se passa ensuite après cette entrevue fut tel que l’avait dit le psychologue, mais pas dans le sens annoncé. Mike retrouva la mémoire. Il se rappela son arrivée au Tchad avec Charlie, leurs trois jours de repos pendant lesquels ils se marièrent, les tortures subies par la suite, les cicatrices qu’il garderait pour toujours, la souffrance de ne rien pouvoir faire, Charlie qui était régulièrement emmenée par telle ou telle personne, la vie qui le quittait, un raid de l’armée venu les sauver au bout de vingt jours. Il avait eu de la chance de vivre. Mais à quel prix ? Aujourd’hui, il avait peut-être perdu sa femme et sa vie n’était plus la même. Après qu’il eut retrouvé sa mémoire, des agents de la CIA vinrent lui rendre visite. Cette entrevue s’étala sur plusieurs semaines. Ils voulaient savoir tout ce dont se rappelait Mike, s’il avait entendu des détails quant à des plans pendant son enfermement, s’il avait reconnu des visages. Il les aida le plus possible. Finalement, on le laissa tranquille, lui annonçant qu’il bénéficierait du programme de protection des témoins pendant quelques mois, le temps que l’affaire se tasse. Pendant cette période, il ne pourrait plus travailler au sein de l’armée, ni prendre contact avec ses proches. Il n’avait plus qu’à attendre. Mike négocia qu’il ne soit pas le seul à être protégé. Il voulait que l’on veille sur Charlie. On lui devait bien ça.

Après trois ans d’absence, Mike revient enfin à Redstone. Il compte reprendre son poste au sein de l’armée mais surtout, reprendre sa place auprès de Charlie. Si elle l’accepte…