Without you I'm nothing at all
And life has the face of a morbid game

Les actualités l’agacent, les journalistes l’énervent, ce crétin d’Alfriston l’insupporte et la population en général lui donne des envies de meurtre. Comment peut-on être aussi con, sincèrement ? Quelques problèmes d’homophobie internes à l’armée et voilà qu’on en fait un scandale national, voilà que les militaires deviennent des enfoirés. Est-ce qu’on prend ainsi le parti de l’enfant battu par ses parents ? La femme violée ? Les agressions en tout genre sont monnaie courante et de ce fait les agresseurs sont partout, c’est comme ça dans le monde entier et si la blonde ne tolère pas ces agissements, elle ne comprend pas qu’on puisse ainsi exploser au visage de l’armée, les accusant de tous les maux d’une société. Des morts il y en a partout, la guerre fait des ravages, pourtant quand la mort débarque à une soirée ça devient tout de suite plus choquant. Evidemment. C’est tellement plus facile de fermer les yeux sur ce qu’il se passe ailleurs, mais quand on est témoin de ce genre de scène, faut tout de suite crier au loup pour sauver ses miches. Voilà à quel point les gens peuvent devenir cons quand ils habitent une petite ville où, d’ordinaire, le plus choquant c’est la mort prématurée du clebs du voisin. C’est grotesque, c’est humain, et ça la bouffe, ça la tue, ça la renvoie à son époux mort au combat il y a de cela dix ans. Dix ans de pur bonheur avec cet homme, Elyrian l’ayant rencontré à dix-sept ans avant de quitter sa ville natale qu’était New York ainsi que sa famille à vingt ans pour le suivre jusqu’ici, éperdument amoureuse qu’elle était. Et la guerre le lui avait arraché, la laissant meurtrie pendant de longues années. Pourtant elle s’en était remise, finalement, un peu. Suffisamment pour reprendre un train de vie normal, pas assez pour songer une seule seconde qu’un homme de son envergure puisse être remplacé un jour. Et malgré tout elle n’en voulait pas à l’armée, n’avait jamais blâmé la base pour cela. Etre soldat c’était un mode de vie qui comprenait des risques, mais surtout c’était un choix. Ils savent tous dans quoi ils s’engagent et son défunt mari, Aaron, le savait très bien, s’engageant par noblesse d’âme, par envie de servir et de protéger. Un homme bon, meilleur qu’elle ne le saura jamais. Il paraît que les meilleurs partent en premier… C’est probablement vrai. Parce qu’il est mort et elle, garce de service, demeure. Cela n’a rien de juste, mais la justice c’est des conneries, elle le sait. En tous les cas, pour la blonde, cette base incarne un souvenir. Le souvenir de cet homme qu’elle a perdu, mais qui vit toujours un peu au travers de ses camarades, de cette protection, de cet ordre. Imaginer que tout cela puisse prendre fin, imaginer qu’elle puisse habiter auprès d’un cimetière oublié et dénigré par tous, ça la ronge.

C’est probablement pour ça qu’elle finit par exploser son verre contre le mur, ayant expressément visé à côté de la télé pour éviter de l’abimer -dans un élan de lucidité de dernière minute- avant de gronder, agacée. « Va te faire foutre Alfriston Fair. La simple vue du concerné, en train de répondre à des questions de foutus journalistes, lui donnait la nausée. Le pire étant probablement que cet abruti partait favori dans les sondages. Avec un peu de bol, les gens auront la flemme de lever leurs culs pour aller voter tiens, ce ne serait pas nouveau ni récent comme phénomène, mais malgré tout Elyrian avait peu d’espoir à ce sujet. Dans un soupir, elle jeta un coup d’œil à son chien ainsi allongé à ses pieds, docile au possible ce qui était le fruit d’une éducation digne de ce nom -ce n’était pas pour rien qu’elle en avait fait son métier- mais qui avait relevé la tête face à l’élan de brutalité de sa maîtresse. Cette dernière flatta l’animal comme en guise d’excuse avant de lui souffler. C’est les miches de cet idiot que tu devrais bouffer Assan. C’est un foutu politicard donc je pense pas qu’il ait bon goût, mais tu rendrais service. Nouveau soupir, bien qu’accompagné par l’ombre d’un sourire amusé cette fois alors qu’elle relevait les yeux vers l’écran, découvrant ainsi la femme du candidat au poste de maire. Ça aussi, c’était chiant, que de constater qu’il valait mieux être accompagné pour paraître apte au poste. Comme si le célibat était une tare, un défaut, ou une preuve attestant du fait que vous êtes un psychopathe dont personne ne veut. C’était con, ça aussi, d’autant plus dans une ville constituée de familles militaires. Le célibat forcé, ça existait. Le célibat pour se consacrer pleinement à son boulot aussi. Mais les gens s’en moquent, les gens le voient pas, ils remarquent juste ce foutu couple qui a l’air heureux. Et comme ils ont l’air heureux, l’individu moyen imagine que ce bonheur lui sautera à la gueule, que c’est contagieux et que sa vie s’en verra améliorée. Foutaises. Faut pas qu’il gagne. J’imagine que l’autre a plus qu’à faire gaffe à son image, au moins il a de meilleurs idéaux. » Du côté d’Elyrian le choix était donc vite fait quant à son vote aux prochaines élections. Et elle y jouerait un rôle plus grand que ce qu’elle avait envisagé.