▽ when it's all over, when they lay me down, put my soul to rest, when they ask me how I spent my life, at least I got to love you

« Je t'écris parce que tu me manques. Je me sens un peu bête de me prêter à l'exercice, parce que je ne sais presque rien de toi. Je ne t'ai jamais rencontré, même si je t'ai souvent parlé. Je ne connais pas ton prénom. Je ne sais pas si tu as mes yeux ou ceux de ta maman, si tu as hérité du blond de ses cheveux. Je ne sais même pas si tu es un garçon ou une fille. Je ne sais pas quel âge tu as, au moment de lire ces lignes. Je sais seulement qu'au moment de les écrire, tu n'es pas encore né. Je sais aussi que je t'aime déjà, depuis la toute première seconde à laquelle j'ai apprise ton existence.

Je pense que ta mère a eu un peu peur que je ne sois pas content, parce que je n'ai jamais vraiment aimé les surprises et que, c'est vrai, nous étions loins d'être préparés à ta venue. Parce que oui, tu nous a un peu pris par surprise, t'annonçant à un moment où nous n'avions pas encore vraiment discuté de ce genre de choses, à part de façon hypothétique. Je savais qu'elle voulait des enfants, et elle savait que j'en voulais aussi, mais nous n'avions pas convenu des détails comme quand ou combien. Si tu n'étais pas prévu à très court terme, sâche que c'est loin de signifier que tu n'étais pas voulu. Tu étais souhaité et planifié depuis très longtemps. En fait, j'ai su, dès que j'ai posé les yeux sur ta mère, que ton existence était une évidence. J'ai su qu'un jour je voudrais une famille avec la petite notaire têtue qui s'est occupé du testament de ton arrière-grand-père. Têtue, parce qu'elle a mis un certain temps avant de partager mon désir d'un avenir commun. Je t'ai même déjà utilisé pour la draguer, je l'avoue. « Ça fera une belle anecdote à raconter à nos enfants, mademoiselle Adams » lui avais-je dit après qu'elle eut refusé mes avances pour une énième fois. Trois ans plus tard, elle m'annonçait que tu étais en route... Quand j'ai vu le petit signe positif sur le test de grossesse, je n'ai pas pensé au fait que nous n'étions pas préparés à t'accueillir. Je n'ai pas pensé à la petitesse de notre appartement ou aux dangers de mon métier. Je ne pensais qu'à mon désir de te connaître, de te voir grandir, toi, ma chair et mon sang.

Aujourd'hui, je suis en mission à l'autre bout du monde depuis trois longues semaines, les plus longues de toute ma vie. Depuis vingt-et-un jours, je ne pense qu'à la dernière fois où ma main a été en contact avec toi, quand je t'ai senti bougé pour la première et unique fois, dans cet aéroport. Ce souvenir éclipse presque la tristesse du moment suivant, quand je suis monté dans l'avion qui m'a emmené trop loin de vous. Si je me concentre, je peux presque entendre ton petit coeur qui bat rapidement, tellement je l'ai écouté souvent, tempe appuyée contre le ventre de ta maman.J'essaie de ne pas penser aux kilomètres qui me séparent de toi et de ta maman et je compte les secondes avant de vous revoir. Plus que tout, je m'accroche à l'idée de te rencontrer. Si je t'écris aujourd'hui, c'est pour te dire que j'espère tant avoir la chance de te connaître.  

Et si je devais ne jamais te connaître... Si, au moment où tu lis ces lignes, il fallait que je sois mort, sâche que je suis mort heureux. Heureux de savoir que tu existes, heureux d'avoir entendu ton petit coeur s'accélérer en entendant ma voix, heureux d'avoir senti tes coups de pieds. Sâche que je n'ai jamais été aussi fier que le jour où j'ai appris que je serais ton père.

Ton papa qui t'aime »