Ils étaient vraiment tarés ces militaires. Ils n'étaient même pas capables de bien intervenir. Andrew s'était retrouvé dans des situations semblables plus d'une fois mais ce soir c'était autre chose. Il n'avait aucun moyen de défense et il était entouré de personnes qui étaient censés le protéger. Censés hein...
Il avait commencé à se rapprocher de Jamie-Rose et Amelia, deux femmes qu'il appréciait tout particulièrement. Oui oui, Andrew était attaché à des femmes, non pas seulement pour coucher avec. Champagne !
Sauf qu'au moment où il avait voulu se rapprocher, la rousse avait dit à Amelia de s'en aller. Sage décision. Il ne voulait en perdre aucune. Ensuite, Jamie-Rose lança son téléphone, ce qu'Andrew trouvait plutôt ingénieux, même si ce n'était pas volontaire. Bon bah voilà, ça allait être réglé, deux militaires s'étaient approchés.

Oui mais non.

Des coups de feu, encore. Se baissant à nouveau pour éviter une balle perdue, il mit un peu de temps avant de se redresser tout doucement. Regardant autour de lui, il put remarquer que plusieurs personnes étaient touchés. Ce fut en posant son regard sur Amelia qu'il comprit la suite. Elle se précipitait vers quelqu'un. Ce quelqu'un étant Jamie-Rose, au sol, perdant du sang. Oh nan nan nan. Il se précipita vers les deux femmes.


- T'es pas blessée toi au moins ?


Dit-il à l'adresse de l'attachée de presse à la mairie.


- Il faut que tu.. Tu.. T'appuies sur la plaie, j'ai vu ça dans un film, comme ça le sang il sort pas. Je peux la porter jusqu'à la sortie, tu peux appuyer en même temps ?


Bizarrement, il ne regardait pas le visage de Jamie-Rose, comme s'il avait peur de la voir mourir sous ses yeux et qu'il avait peur de vivre avec cette image. Il ne savait pas non plus si la sortir était une bonne idée mais il ne préférait pas rester une minute de plus ici, de peur qu'Amelia se prenne une balle ou même que Jamie-Rose s'en prenne une autre.

« Amelia, sors. Cache toi derrière la porte, rampe et NE REVIENS PAS. » Elle n'avait pas eu le temps de protester, que Jamie s'était levée, balançant son téléphone à la tête d'un des assaillant. Abasourdie, dans l'incapacité de bouger pendant ces quelques millièmes de seconde d'arrêt après que Jamie ait parlé, Amy ne vit pas qu'un homme était entré. Une arme à la main. Jusqu'à ce qu'il tire au hasard dans la foule en abattant les assaillants. Un autre millième de seconde où elle expira, soulagée et reconnaissante envers l'homme qui venait de les sauver.

Un clignement des yeux. Et, soudain, elle vit le corps de son amie s'affaisser, son visage se tordant de stupeur. Un millième de seconde. Elle vit la rousse tomber au sol au ralenti, touchée à la poitrine. Le coeur de la jeune Westerfield se serra, l'air qu'elle avait expiré se coinçant dans sa gorge. Oubliant totalement tout ce qui se passait autour d'elle, son attention focalisée uniquement sur son amie, elle se précipita vers elle. Tremblante, ses jambes d'un coup totalement molles, elle se jeta à ses côtés, les larmes embrumant sa vue. Peinant à respirer, totalement prise de panique, elle hurla à son amie. « Jamie... Jamie! Jamie, tu m'entends? » sanglotant à moitié, complètement tétanisée par la peur, elle tenait le visage de sa meilleure amie, sa soeur d'une autre mère. Elle ne pouvait pas la perdre... Elle tenait bien trop à elle pour la laisser filer entre ses doigts. Dégageant sa chevelure rousse du visage pâle de son amie, elle la regardait dans les yeux, caressant ses joues, de grosses larmes embuant la vue sur Jamie. « Me laisse pas ma vieille, tu m'entends? Je t'interdis de t'en aller comme ça... » Avant qu'elle ne puisse divaguer et totalement perdre la tête, elle entendit heureusement une voix familière qui s'approchait. Andrew. Un de ses amis les plus proches, lui aussi. Il semblait paniqué autant qu'elle, mais, au moins, elle n'était plus seule. « Il faut que tu.. Tu.. T'appuies sur la plaie, j'ai vu ça dans un film, comme ça le sang il sort pas. Je peux la porter jusqu'à la sortie, tu peux appuyer en même temps ? » Amy osa enfin baisser les yeux vers la blessure. Mauvaise idée. Les mauvais souvenirs d'adolescence, enfouis depuis des années, ressurgirent d'un coup. Le corps criblé de balles de sa mère, son père à ses côtés... Non. Pas maintenant. Prenant son courage à deux mains, elle fit comme il lui disait, appuyant sur la blessure, fermant les yeux pour empêcher ses vieux démons de revenir en cet instant crucial, la respiration saccadée de sanglots retenus. Ils firent ainsi de leur mieux pour la déplacer, toujours profil bas, évitant du mieux que possible les coups de feu qui ne semblaient pas s'arrêter... Pitié, pitié, que ça cesse.

Spoiler:

Une douleur sourde envahit le corps de Jamie-Rose, alors qu'elle s'effondrait sous l'impact de la balle dans sa poitrine. Le sol accueillit son corps désarticulé comme une tendre mère, et les damiers froids de la salle des fêtes semblèrent aussi confortables qu'un lit aux yeux de la rousse.
Yeux qui étaient à présent fermés, réaction automatique, presque chimique, de son corps suite au choc qu'il venait de subir. Coucher de rideau, la scène s'arrête, tout est noir. Mais la bande son continue de tourner, et elle entend les cris de panique de tous les gens qui étaient encore présents sous ses yeux, quelques instants plus tôt.

Jamie-Rose a peur de souffrir. Toujours, tout le temps, elle fait tout pour ne pas souffrir. Mentalement, physiquement. Mais aujourd'hui, elle a balancé un téléphone sur un tireur fou et un militaire lui a tiré dessus en retour. Peut-être qu'elle l'avait méritée, cette balle en fait.
Elle pouvait entendre Amelia et, tiens, Andrew, autour d'elle. Toujours eux-même, avec Amelia qui paniquait en lui disant de ne pas l'abandonner; et Andrew, qui paniquait en racontant des conneries qu'il avait vu à la télévision. Elle ne savait pas quoi faire, aurait bien aimé ouvrir les yeux mais c'était comme si son corps lui interdisait l'accès aux coulisses.

Elle aurait aimé murmurer, parler, les rassurer. Leur dire que ce n'était rien, que la douleur était supportable, et que tout allait bien se passer. Mais alors que les tirs continuaient à fuser de partout, alors que c'était toujours le noir complet, et que la douleur commençait lentement mais sûrement à l'emmener dans un endroit froid et inhospitalier, elle aurait menti.

Rien n'allait bien. Elle venait de se faire tirer dessus par un militaire, comme une trahison par son propre camp. Et personne n'était là pour la sauver, si ce n'est ses deux amis proches. Mais sinon, rien, personne ; James n'était pas là, Jefferson non plus. Ses parents étaient bien loin, son frère était en Irak.

Elle n'avait personne.

Pendant quelques instants, le silence s'installa dans la salle, seulement ponctués de chuchotements et de gémissements paniqués. Jamie-Rose ouvrit les yeux, un quart de seconde, et dit à Amelia :

Je suis seule dans la vallée de l'ombre, et je... J'ai peur.

La douleur devint trop forte, plus forte qu'elle, la tornade flamboyante venue d'Irlande. Ses yeux firent un tour complet dans leur globe, et elle s'évanouit vers cet endroit froid et inhospitalier.

Dans une vie, il y a plusieurs sortes de promesses que l'on peut faire. Celles que l'on fait en rejoignant une certaine profession, celles que l'on fait à un ami et celles que l'on fait à des mourants. Cillian était pris entre ces trois sortes de promesses. En rejoignant l'armée, il avait promis de protéger la population, coûte que coûte. En se liant d'amitié avec Tobias, il avait promis de protéger Meghan. Maintenant que Tobias flottait entre deux états, cette promesse n'en était que renforcée et le militaire se sentait d'autant plus obligé de l'honorer. Dans tous les cas, il y aurait quelque chose à perde. Quelque chose d'indicible, mais quelque chose quand même, et cela l'embêtait passablement. Il n'avait pas l'habitude de l'échec. Quand on rejoint l'armée, on devrait préparer les soldats à se heurter à des obstacles qu'ils ne sauront contourner. Ca devrait être obligatoire. Les désillusions sont tellement nombreuses dans ce métier... Au début, c'en est déconcertant, mais avec le temps, on s'y habitue. Une nouvelle nuée de balles vint l'interrompre dans ses pensées. Il entendit des cris, mais il ne sut pas qui les avait poussé. Ses yeux clair cherchèrent Meghan mais il ne la vit pas. Peut-être était-ce elle qui avait hurlé ? Etait-elle morte ? Le coeur du militaire sombra soudainement dans sa poitrine. Cillian déglutit avec difficulté, cette pensée morbide l'assaillant. Il avait eu tellement de chance de ne pas être touché ! Il croisa brièvement le regard d'un autre militaire. Un capitaine, un de ses collègues. Son arme pointée sur les tireurs, le capitaine s'éloigna à reculons. Il savait qu'il ne devait pas faire ça, il le savait pertinemment. Mais son intinct et son coeur agissaient à sa place. Il retrouva sa belle, quelque part près d'une table, et si près du sol ! Son front saignait mais l'homme ne s'attardait guère sur des détails aussi futiles. Attrapant son visage entre ses deux mains, il paniquait mais il tentait de camoufler cela. « Merde, Meghan, fuis, tant que tu le peux. Fuis. Reste au sol, rase les murs. Mais fuis. Et sache que je t'aime. » Il l'embrassa encore une fois. Ou peut-être comme si c'était la dernière fois. Il ne savait plus. Maintenant qu'elle était entrée dans sa vie, pour de bon, Cillian avait du mal à prendre parti pour son métier. Il faisait sûrement plus d'écarts qu'auparavant, mais cela ne l'empêchait guère d'être un bon capitaine. Il se mit à quatre pattes, posa une main sur le dos de Meghan et tout en jetant des regards furtifs vers l'endroit où se trouvait les tireurs, il obligea Meghan à avancer, à ramper. Fermant les yeux un instant, l'homme inspira profondément. Il se releva soudainement, abandonnant une nouvelle fois sa promise à son sort et se dirigea vers les tireurs. Décidement, Cillian ne savait plus où donner de la tête. Mais tôt ou tard, il finirait bien par retrouver ses esprits.

Ethan avait cette curieuse impression d'être de retour sur le terrain. Chaque pas pourrait le faire sauter, il suffisait qu'il marche sur une mine, et BAM, ce serait la fin de la soirée, la fin de l'histoire. Mais il devait se remettre dans le contexte ; ce n'était qu'une soirée. Une soirée qui avait mal tourné, c'était le cas de le dire. Des blessés, loin du front pourtant, mais des blessés quand même. Un gars. Puis, il y en aurait certainement d'autres, par la suite. Dillinger ne pouvait rien tenter, de là où il était, où alors, cela aurait été suicidaire. Puis, tout sembla se calmer, un court instant, alors qu'un militaire pointa son arme sur un des deux psychopathes. Ainsi donc, les choses allaient rentrer dans l'ordre ? Pas pour bien longtemps, malheureusement. Ce n'était qu'un court instant de répit accordé à toutes les personnes présentes, toutes les potentielles cibles de ces deux malades.

Puis, alors que la tension redescendait lentement, les problèmes eux, repartirent de plus belle. Un militaire, complètement fou, se mit à tirer sur tout ce qui pouvait bouger à cet instant. Civils, soldats. N'importe qui, n'importe quoi. Tout ce qui pouvait lui paraître hostile. Par réflexe, Ethan s'abaissa un peu, bien qu'il ne craignait pas grand-chose : il était tout près de l'homme en question. Le lieutenant avait bien des possibilités : suivre son premier objectif, qui était de rejoindre les deux brunes, ou bien d'agir, seul, maintenant. Il était téméraire, le Ethan. Mais pas suicidaire. Ainsi, le plus sage, n'était-ce pas tout simplement de s'allier avec d'autres avant d'agir ? Il n'avait plus le temps de discuter stratégie, de chercher à communiquer avec les autres militaires, et pourtant, il n'osait pas bouger. Une nouvelle salve de balles, de nouveaux blessés, il se calma, aspirant une grande goulée d'air. Il devait jouer ça de manière fine, ne pas y aller comme un bourrin, au risque de se prendre une balle.

Sauf que, il n'avait plus le choix. Il devait improviser. Jetant un coup d'oeil au capitaine armé, il constata avec étonnement qu'il se reculait. Bon sang, qu'est-ce qu'il foutait ? Il n'y comprenait plus rien. Alors, il ne prit même plus le temps de réfléchir : il fonça sur le flanc du tireur, le plaquant violemment à terre. Il n'avait malheureusement pas réussi à le désarmer, même par une telle action. Stupide action, puisqu'il était plus que jamais vulnérable. Maintenant qu'il était à terre, aux côtés du tireur, il n'avait plus qu'à espérer que ce dernier ne se retourne pas contre lui, mais, n'étant pas tellement d'accord pour laisser sa vie entre les mains du hasard, il immobilisa maladroitement la main encore armée de l'homme. « Mais ! Lâche ton flingue merde! ». Le tireur ne semblait pourtant pas décidé à s'exécuter, bien au contraire. Et à cet instant seulement, Ethan put se permettre d'espérer ; espérer que quelqu'un lui vienne en aide.