I CAN HEAR THE DARK DAYS COMING.

Jamie-Rose était perdue. Tout s'emmêlait dans son esprit, les évènements passés, les choses à venir, le moment présent; elle se sentait presque nauséeuse, tellement tout ça était flou. Les derniers jours avaient été particulièrement difficiles, avec le retour de deux hommes dans sa vie, deux Barnes -comme si cette famille était vouée à la détruire de l'intérieur.

Alors elle s'était octroyée une journée de congé, aujourd'hui. Ce n'était pas comme si son travail à la mairie lui prenait tout son temps; être chroniqueuse dans une petite ville comme Huntsville n'imposait pas des rythmes de travail effrénés. Mais elle avait besoin de cette journée précise, pour se ressourcer. Pour se reconcentrer sur elle, sur ses sentiments, sur ce qu'elle pouvait bien ressentir par rapport à toute cette histoire. Toutes ces histoires, à vrai dire.

BOUM.

Jamie-Rose porte immédiatement la main à sa poitrine, quelques larmes coulant instinctivement sur son visage. Le bruit de l'explosion ravive les traumatismes de la fusillade, le souvenir de l'évènement mortel envahit à nouveau l'esprit de Jamie-Rose. Une réaction automatique, presque chimique, qu'elle ne peut même pas contrôler tellement elle arrive rapidement.
Jamie-Rose est terrifiée, encore plus qu'avant la fusillade; parce que maintenant que le pire est déjà arrivé, elle sait ce que ça peut faire. Et pire que le pire qu'elle ait vécu, c'est la mort.

C'est là qu'elle l'aperçoit : Amelia, toute seule au milieu d'une foule en folie. Si petite, si innocente, si seule. Jamie-Rose ne réfléchit pas une seconde, et c'est comme un tournage de cinéma; elle rejoue la même scène qu'au bal, cette nuit là.
Elle se jette sur sa meilleure amie, la tire par le bras et l'emmène se cacher derrière un kiosque à journaux.

Je suis là Amelia, je suis là. On va y arriver, on va y arriver.

Mais arriver à quoi ? Elles ne savent pas ce qui est à l'origine du bruit, ne connaissent pas la suite des évènements.
Tout ce qu'elles savent, c'est que ça vient juste de commencer.

« my head is a jungle, jungle. »

Lucky aimait les jours de pluie. Car c'était beau, qu'elle se sentait dans son élément. Elle aimait la flotte qui fouettait les carreaux, celle qui dégoulinait de ses longs cheveux sombres. L'agréable sensation que ça pouvait lui apporter. Mais aussi car les jours de pluie, les gens avaient tendance à rester chez eux, pour ceux qui n'avaient rien à faire. Elle non plus, n'avait rien à faire en particulier ; son service au Stone Red ne commençait qu'à vingt-et-une heure ce soir. La fin de journée se faisait à peine sentir, il n'était pas très tard encore, non. Mais plutôt que de rester à écouter la télévision déblatérer tout un tas d'inepties sur Ô combien l'être humain est merveilleux et supérieur en tous points, elle avait décidé de sortir. Marcher dans les flaques, écouter les gouttes rouler sur les feuilles, avant de rejoindre de petits sillons creusés dans la terre. Tout ça pour oublier que elle aussi, elle aurait dû s'écraser lamentablement au sol, et y rester pour de bon. Mais non. Aujourd'hui, elle était encore là. Et elle avançait, elle souriait, elle disait ; « mais oui, tout va bien ». Ou presque.

En quête de nouveaux sons à faire résonner entre les murs de son appartement, elle s'était mise en tête d'aller au centre commercial. Et là, elle y était. Du monde, comme d'habitude, beaucoup de monde. De quoi la faire paniquer, peut-être un peu. Lucky n'aimait pas tant les masses, elle préférait les solitaires, ceux qui comme elle, se satisfaisaient du silence. Un tel endroit était trop bruyant, et ne faisait qu'accroître un peu plus encore, ce sentiment d'insécurité qu'elle avait obtenu comme cadeau de bienvenue à Huntsville. Reniflant un peu, elle avançait, seule parmi tant d'autres, au coeur du centre commercial.

Puis, un drôle de bruit résonna dans tout le bâtiment. Une légère vibration se fit sentir sous ses pieds, elle porta par automatisme les paumes de ses mains contre ses oreilles, comme pour se protéger d'une seconde déflagration encore plus puissante. Par réflexe, elle s'abaissa immédiatement. Qu'est-ce que c'était ? D'où est-ce que ça venait ? Est-ce que cela allait recommencer ? Les questions l'assaillaient, pesantes et inquiétantes. Son rythme cardiaque accélérait lui, et il en allait de même pour sa fréquence respiratoire. Son petit air calme qu'elle revêtait jusque là venait de s'évaporer, l'abandonnant seule, au milieu du mall. Ses yeux eux, comptaient les dalles, et elle restait là, figée. Lucky tremblait presque imperceptiblement, un peu perdue et surtout incapable de prendre la moindre décision. Alors à nouveau dans sa vie, les autres allaient en prendre pour elle.

T'avais prévu de profiter de ta journée, tu voulais aller faire du shopping avec des amies, tu voulais passer le voir, aller passer la journée avec au parc ou bien encore aller courir un peu et pourtant, le temps en avait décidé autrement. Vu la pluie qui ne cessait de tomber, tu t'étais finalement rabattue sur le centre commercial. T'étais là, tranquillement en train de flâner entre les rayons lorsque l'explosion retentit. Sur le coup, tout le monde s'était tu, c'est comme si le temps s'était arrêté, plus personne ne bougeait, personne n'osait crier ou courir, sous le choc. Finalement, ce moment qui t'avait paru être une éternité n'avait duré qu'à peine deux secondes. Rapidement, se fut la panique, tout le monde se mit à courir dans tous les sens. Les enfants s'étaient mis à pleurer, quelques mères hurlaient parce qu'elles avaient perdu leurs petits, tout le monde se précipitait dans tous les sens avec une seule et unique idée en tête : fuir. Sous la panique, tu n'arrivais plus à réfléchir ni à agir. T'étais restée plantée là au milieu de la foule en panique. Tu ne bougeais plus complètement tétanisée par la peur. Soudain, sans vraiment comprendre ce qui t'arrivait tu te retrouvais projetée à terre. Un homme s'excusait en criant en continuant de courir vers la sortie, sa gamine dans les bras. Tu restes là, à terre, blottissant tes jambes contre toi en manquant te faire piétiner.

Comme espéré, la visite chez Woody ne fut pas de tout repos. C'est toujours ce que la rousse cherchait en passant du temps auprès de son ami. Ces fous rire garantis, ces moments de détente à parler de tout et rien, la déconne totale sans prise de tête. Il était fréquent que ces visites se transforment en champs de bataille à nourriture et autres objets non contondants. Dans le feu de l'action, les deux jeunes n'avaient pensé que ce qui leur avait servit d'arme aurait aussi pu leur servir de dîner. Manque de bol, Woody n'eut un éclair de génie que bien après et proposa donc à son amie de sortir manger un bout. Robin avait un besoin fou de remplir son estomac avec la moindre chose qu'elle trouverait et ne tarda pas à faire part de cette envie au garçon. De toute façon, d'après le psychologue, c'était un ordre, pas question de fuir. Et puis Robin en avait envie. Elle aussi avait tendance à se retrouver seule le soir, sans personne pour la distraire ou l'attendre.
La perspective d'une sortie course avec Woody l'enchantait. Elle s'imaginait déjà faire des courses de caddie dans les allées du magasin à la recherche d'un trésor prêt à leur remplir les intestins.
Ils avaient prit l'engin de Woody pour se rendre au centre commercial. Ce dernier était à plusieurs kilomètres de l'appartement du jeune homme et si il avait voulu y aller à pied, Robin l'aurait supplié qu'il la porte sur son dos. Parfois être une fille et une feignasse avait du bon. Mais le garçon ne semblait pas décidé à porter une rousse sur son dos et parcourir un telle distance, ils avaient alors prit la voiture. Compte tenu de la situation, la demoiselle s'était proposée pour prendre le volant, et puis, elle se sentait toujours à sa place dans ces tas de ferraille.
Les deux jeunes ne tardèrent pas à atteindre leur destination. Sur le parking, Robin les yeux plus gros que le ventre se tourna vers Woody. « On prend un caddie ou tes bras vont suffire à porter les courses ? » dit-elle une pointe d'humour dans la voix « à moins qu'on se serve du caddie pour te pousser en fait .. ». Sans forcément attendre une réponse elle se posta près de son ami pour l'aider à avancer sans trop de difficultés. Parfois elle avait mal pour lui de savoir qu'il lui avait suffit d'être au mauvais moment au mauvais endroit. Lui qui avait arrêté sa carrière de soldat en partie pour éviter ça. Elle savait que les souvenirs de Mats étaient remontés instantanément, souvenirs si difficiles pour lui. Robin, bien vivante, essayait tant bien que mal de divertir Woody et de le soutenir malgré tous les événements.
Ils s'avancèrent tout deux dans le centre commercial, avec douceur mais non sans profiter de cet instant ensemble. Peut-être dix minutes étaient passées, peut-être plus, L-J n'avait pas fait attention au temps. Ils se dirigeaient ça et là dans le centre, se questionnant au sujet d'un quelconque repas. Et là, ce repas se retrouva compromis, en une fraction de seconde. Deux jeunes saisit par une panique générale. La contagion est rapide, indolore sauf pour ceux qui sont déjà blessés. Dans le précipitation, la jeune lightwood attira son ami derrière un comptoir situé sur leur chemin. Elle ne pense pas à sa blessure, juste à l'abriter, à se protéger tous les deux. Un comptoir c'est ridicule, ça ne protège pas, mais Robin n'avait trouvé que ça, que ça pour faire comme les autres. « Woody putain... C'est quoi ça ?? Woody ça va ? »

are you ready ?

La douleur. Elle se propagea dans tout le système de Woody comme une impulsion électrique. Au départ, il se demandait bien ce qui était passé par la tête de Robin pour qu'elle le pousse d'une telle façon, une façon si brusque. Il comprit vite en se rendant compte de tout le bordel qui se déroulait autour de lui. Encore, ça recommençait. Ça ne finira donc jamais ? Cet acharnement du destin contre sa personne. Robin le poussa derrière un comptoir, alors que lui avait du mal à réagir. La peur, elle était revenue. Les souvenirs aussi. Il revoyait la fusillade se dérouler sous ses yeux et pire encore, la mort de Mats. Pourquoi tant de choses lui rappelait cet événement et pourquoi seulement maintenant ? Maintenant qu'il avait trouvé un emploi stable, une condition de vie agréable et un entourage génial ? Oui, pourquoi maintenant ? Woody-Elios ne pourrait-il jamais être heureux ?

Il comprit à peine les paroles de Robin, complètement happées par les cris des autres personnes présentes. Le gallois se demandait s'il avait crié lui aussi. Peut-être que oui, même si cela ne lui ressemblait pas. Inconsciemment, il porta une main à son aine, où la balle l'avait fauché. Ça faisait mal. Et il lui était impossible de faire abstraction de la douleur, comme si c'était la seule chose qui lui gardait encore les pieds sur terre. Il baissa les yeux pour regarder sa main. Elle était tachée de sang. Woody-Elios regardait son aine après un moment d'hésitation et remarqua que sa plaie s'était rouverte.

« Robin... »

Ce fut la seule chose qui sortie de sa bouche. Il était bien trop en état de choc pour dire quoi que ce soit d'autre. La peur, c'était elle qui le contrôlait.

I CAN HEAR THE DARK DAYS COMING.

Amelia était en sécurité, à présent. C'était la seule chose à laquelle Jamie-Rose pouvait penser, alors que les deux amies étaient recroquevillées derrière un vulgaire pot de fleur.

Le silence s'installait graduellement dans le centre commercial, et Jamie-Rose pouvait voir dans les yeux des gens la terreur les habiter. La plupart n'étaient que des civils qui n'avaient pas vécu la fusillade, mais la catastrophe avait fait la couverture de tous les journaux locaux. Et c'était bien là, le pire; ils n'avaient pas vécu la fusillade, et pourtant ils étaient terrifiés à l'idée que ça puisse leur arriver, à eux.

Alors elle, qui avait déjà été blessée la première fois, de quoi devait-elle avoir peur ? Que ça recommence ? Qu'elle meure ?

Peut-être qu'elle mourrait, cette fois.

Jamie-Rose avait entendu quelqu'un crier le prénom d'Amelia, quelques instants après qu'elles se soient cachées. Une voix féminine, apeurée elle aussi. Elle aurait aimé se lever pour regarder où était cette jeune femme, mais elle n'était pas si téméraire.
C'est à ce moment qu'elle entendit sa voix. Un murmure, un râle presque inaudible pour celui qui ne connaîtrait pas cette fréquence de voix.

Woody.

Entendre à nouveau sa voix ramena Jamie-Rose à une autre époque, qui lui paraissait tellement lointaine alors qu'elle était si proche. Lorsqu'elle avait voulu partir, tout plaquer, rentrer en Irlande. C'était lui qui l'avait retenue, qui lui avait donné la force de rester, de continuer à avancer même sous les coups incessants du sort.
Il avait été blessé, durant la fusillade. Si elle fermait les yeux, Jamie-Rose pouvait encore voir le rouge écarlate de son sang s'écouler sur le sol de la salle des fêtes. Ils étaient un peu pareils, au fond; ils avaient été au mauvais endroit, au mauvais moment. Il avait été blessé, avait été opéré presque en même temps qu'elle, et pourtant ils ne s'étaient pas revus, depuis l'aventure à l'aéroport.

Et là, elle le voyait. Ou plutôt, elle l'entendait. Sa supplique à cette Robin -elle avait entendu parler de cette fille, d'ailleurs- résonnait en elle comme un appel à l'aide. Il avait besoin d'aide, avait-il besoin d'elle ?

Elle devait l'aider. Il avait tant fait pour elle.

Woody ?

« Robin... » Tout allait peut-être un peu trop vite pour Robin, qui ne pouvait émettre rien d'autre qu'une respiration saccadée. L'angoisse avait conquit les traits de son visage, expression dont elle ne pouvait se séparer en voyant son ami qui perdait du sang. L'agitation la perturbait, incapable de se décider entre l'attente ou l'action. Les noms fusaient, les gens également, se déplaçant bien trop rapidement ne permettant ainsi à personne de comprendre ce qui était en train de se passer. Mais pourquoi avait-il fallut que tout ce monde se rende au centre commercial ce jour ?
Soudain une femme apparut, une petite blonde que Robin connaissait un peu suite aux histoires créées autour de Woody. Même si l'américaine n'appréciait pas plus que ça la rousse, une attitude de rejet aurait été un pur acte puéril et pour une fois, L-J était bien décidée à laisser son caractère enfantin de coté. « Woody ?» La jeune femme leva les yeux vers Jamie-Rose , qui venait de prononcer ce nom. Cette interruption soudaine permis à Robin de jeter un œil autour d'elle, constatant cet effet de masse. Les gens s'apparentaient seulement à des rhinocéros enragés fonçant dans tous les sens. Le centre était devenu un zoo, peuplé de dangers à chaque mètre carré. Un danger déclenché par une secousse inconnue et une explosion ayant réveillé tous les souvenirs. Robin n'avait pas vécu la dernière catastrophe, mais ce nul besoin pour comprendre la terreur qui envahissait les habitants à cet instant. Et son ami Woody qui saignait à ses cotés, impuissante. « Qu'est ce qu'on peut faire pour limiter la perte de sang... Woody comment tu te sens ?»

seems that I have been held, in some dreaming state ;
a tourist in the waking world, never quite awake.

Boum. Explosion soudaine qui les faisait tous trembler, comme si un géant venant de choper le bâtiment pour le secouer, et faire tomber tous ces petits résidus d'humain qui se précipitaient les uns dans les bras des autres, se cachaient sous des tables, des bancs, tout un tas de trucs pas plus solides que leurs propres os. Mais Lucky restait là, figée dans l'espace, figée dans le temps. Incapable de bouger, ni même de crier. Juste de rester là béate, à peut-être assister, inconsciemment, à la fin du monde. Pauvre fille perdue au milieu de nulle part. Pauvre inconnue que personne ne viendrait chercher pour l'aider à fuir, à se mettre à l'abri.

Puis, l'inattendu débarqua. Il se profilait sous les traits d'une brune que notre serveuse ne connaissait que trop bien. L'inattendu portait le doux nom de Bonnie Orha. Identité amère au palais de la russe qui ne l'avait jamais vraiment portée dans son cœur, celle-là. Pourquoi ? Elle ne savait pas, elle ne savait plus sur l'instant. Tout ce qu'elle pouvait comprendre, c'est qu'on lui tirait le poignet pour l'emmener loin d'ici. Instinct de survie ou simple réflexe d'automate, Tsvetkov ne montrait pas de signe de résistance et suivait l'autre. Peu importe où elle pouvait bien l'emmener, tant que c'était loin d'ici. « T'as décidé de crever aujourd'hui Tsvetkov ? On se planque quand ça fait boum, au cas ou tu saurais pas. » Son regard fit le tour de la pièce brièvement, avant de revenir se déposer sur Bonnie. Elle la jaugeait méchamment, on aurait presque pu deviner un peu de mépris au fond de ses prunelles. Un instant, Lucky pensa à la mort, et l'idée s'échappa de son esprit en un battement de cil. Elle aurait voulu lui balancer une réplique toute aussi cruelle, lui faire ravaler sa langue, mais non. À quoi bon se battre comme deux chiennes, alors qu'elles allaient peut-être crever ici, dans cette pièce qui puait la naphtaline et autres produits douteux.

Certainement obnubilée, sous le choc de la déflagration, encore un peu, elle interpella la mécanicienne. « Qu'est-ce qui vient de se passer, hein ? D'où ça venait ça ? Qu'est-ce qui se passe ? » Pauvre fille, comme si ton héros d'un maigre instant en savait plus que toi. Elles étaient certainement à se poser les mêmes questions, et pendant que l'autre guettait au hublot, la russe tournait, tournait toujours en rond. Elle portait une main à sa gorge, elle avait l'impression d'étouffer, d'avoir du mal à respirer ; elle n'était pas claustrophobe non, c'était juste que la panique la gagnait. « Pourquoi t'as fait ça Bonnie ? » Son ton était froid, sans appel. T'attends quoi, de la reconnaissance ? Que je te dise merci ? Non, elle pouvait toujours attendre un millier d'année ; dire merci, c'était bien trop lui demander à la soviétique. Si elle devait crever aujourd'hui, autant que soit avec le peu de dignité qui lui restait.

Rester seule à la maison lui semblait être un après-midi morose, surtout avec ce temps pluvieux. Elle avait bien promis au futur papa de l'attendre pour faire les premiers achats pour le bébé, mais Daisy était bien trop impatiente. Elle pouvait au moins faire du repérage, ils perdront moins de temps quand ils iront vraiment acheter la layette et la chambre. Rien que d'y penser, elle souriait bêtement. Et de toute façon, avec presque quatre mois de grossesse, elle commençait à avoir besoin de nouveaux vêtements. Alors, elle avait décidé d'aller au centre commercial.

Il était plein à craquer, c'est après tout le refuge lors du mauvais temps et des après-midis ennuyeux. Elle avait déjà fait quelques achats, dont une peluche pour le bébé (elle n'avait pas pu résister devant ce petit Dumbo). Son ventre commençait à se voir légèrement, et elle avait des sourires bienveillants de la part de certaines mères accompagnées de leurs enfants. Ça la rendait presque euphorique. Puis un bruit sourd se fit entendre, pas dans le centre commercial, mais à côté, pas très loin. Daisy savait que ça ne pouvait venir que de la base militaire. Elle était stoïque. Que faire ? Tous se précipitaient, courraient se protéger, des souvenirs douloureux encore présents. Mais ce n'était pas ici, ils n'avaient rien à craindre, n'est-ce pas ? Daisy commençait à se sentir terriblement seule, elle posa une main sur son ventre. Parce qu'elle n'était pas seule. Et elle eut peur. On la poussa, elle ne savait pas qui mais tous se bousculaient, tous courraient pour sauver leur vie. Mais elle restait tétanisée, parce qu'à la base, il y avait ses proches. « Merde, merde, merde. » Elle réussit enfin à réagir, et elle parti se réfugier sous une table, où des gens se cachaient déjà. Elle se recroquevilla sur elle-même. Il n'y avait plus qu'à attendre.

 

are you ready ?

Il avait à peine eut le temps de remarquer ce visage familier avant que les lumières ne s'éteignent. Jamie-Rose était également présente au centre commercial ce jour-à. Il fut un temps où elle était sa patiente et il l'avait même empêchée de rentrer dans son pays natal. Woody-Elios n'aurait peut-être pas dû s'impliquer dans la décision de la jeune femme, car désormais, elle était là, au milieu de cette foule en panique, alors qu'elle aussi avait vécu la fusillade. Elle était là, emprisonnée dans l'obscurité alors qu'elle aurait pu être chez elle à cette heure là, saine et sauve.

L'obscurité, elle avait complètement envahie le lieu public. Woody-Elios n'avait pas peur du noir, mais il fallait être réaliste, le fait d'être coincé, sans vision et sans explication était loin d'être propice au calme. Il ne pouvait pas la voir, mais il pouvait très bien sentir que sa plaie était loin d'être au beau fixe. Le psychologue n'osait pas la toucher, ne voulant pas sentir le contact chaud du sang qui s'en échappait. Il prenait le temps de respirer, ce n'était pas son rôle de céder à la panique. Il devait plutôt faire attention aux personnes qui se trouvaient autour de lui, même s'il ne pouvait pas les voir. Robin et Jamie-Rose. Il n'était pas certain que cette dernière était encore présente, même s'il avait cru entendre un échange entre les deux rouquines.

« Jamie-Rose, vous êtes encore là ? Robin ? »

Woody-Elios leva le bras et entra en contact avec la peau de celle qui présumait être Robin. En baladant sa main sur le visage de la jeune femme, ses doutes furent confirmés : il s'agissait bien de Robin, elle était là, juste à côté de lui.

J'étais loin de me forcer quand il s'agissait de passer du temps avec mon fils, mais je ne pouvais pas m'empêcher de penser que c'était peut être la dernière fois qu'il m'appelait papa ou la dernière fois qu'il mangerait cette glace en la regardant avec ses yeux bleus gourmand. Je profitais de chaque instant, chaque sourire, chaque regard, chaque mot. Je me prenais ensuite à rêver à ce qu'il pourrait devenir si on lui trouvait un nouveau cœur. Dans tout les cas, je donnerais ma propre vie pour qu'il ne manque de rien et qu'il soit le plus épanouit possible. Aujourd'hui, j'étais en repos et ce pour trois jours, j'avais décidé de lui consacrer mon après-midi. J'avais traversé le pays pour aller le rechercher chez sa grand-mère. Il y était bien et étant donné que la caserne me prenait une grosse partie de mon temps et que Julianna était en déplacement sur New-York c'était la meilleure des solution pour qu'il ne soit pas trop perturbé par notre absence. J'avais programmé une soirée détente, après le centre commercial on irait voir le dernier Disney. Je sais qu'il adore ça le cinéma! La crème glacée n'était pas mangée assez vite et elle commençait à fondre. D'un geste tendre, je m'accroupis à sa hauteur pour lui frotter la main tout en lui affichant un sourire "Attend, tu t'en es mis partout..." Je n'eut pas le temps de terminer ma phrase qu'une bruit sourd retentit. Mon réflexe fut d'attirer Thiago contre moi et de placer mes bras autour de lui tel un bouclier. Je tournais la tête de gauche à droite espérant trouver une réponse à mon unique question : What the fuck?

Une deuxième détonation. Mon premier réflexe fut de prendre mon fils dans mes bras et au vu de la foule qui commençait à paniquer, je devais trouver refuge dans un endroit plus calme afin que Thiago ne soit pas piétiné ou bousculé. Je rentrais dans le premier commerce tout en prenant soin de regarder autour de moi afin de déceler le moindre élément qui pourrait me mettre sur la piste de ce bruit mystère. C'était une explosion il n'y avait aucun doute et d'après moi cela provenait de la caserne. Un attentat? Nous avions déjà reçu plusieurs menaces mais de là à ce qu'ils agissent vraiment...
Il n'y avait que des femmes dans ce magasins ou presque. D'un regard furtif j'apercevais maintenant une table ou deux trois personne s'était réfugiée en dessous de celle-ci. Je devais réagir vite et retourner au plus vite à la caserne, il devait s'y passer quelque chose de grave. Mon instinct ne m'avais jamais trompé, j'interpellais alors un jeune femme blonde au ventre rond. Elle devait être enceinte d'un peu plus de trois mois. Je devais trouver quelqu'un pour prendre soin de Thiago qui au vu de la situation avait lâché sa glace et regardait tout le monde avec de grand yeux inquiet. Agenouillés près de la table je déposa l'enfant dans les bras de cette inconnue. Je ne lla connaissais pas mais elle m'inspirait confiance "Ecoutez moi je suis le lieutenant Colonel Hollingtown, J'ignore tout comme vous ce qu'il se passe, mais vous devez rester calme. Veillez sur lui, je dois aller jeter un œil à l'extérieur. Rester le maximum sous cette table, je reviens très vite sinon vous me trouverez à Redstone"Cela ne me plaisais pas beaucoup mais je n'avais pas le choix, si ça se trouve la vie d'autres personnes était en danger. Je posais alors la paume de mes deux mains sur les joue de mon fils et plongea dans son regard. "Papa va revenir! En attendant tu va rester avec cette dame et tu va être bien sage d'accord? D'accord?" Après un hochement de tête je le resserais contre moi tout en lui chuchotant un je t'aime mon filspresque inaudible. Je n'attendais pas le consentement de la jeune femme et déjà j'avais tourné les talons vers la sortie bien décidé à vite régler ce problème.

Zoltan était seul lorsque la première détonation retentit. Il se trouvait au centre commercial car il venait de se rendre à la boutique de musique, où il avait acheté de nouvelles cordes pour sa guitare. Les enfants à l’orphelinat adoraient l’écouter jouer quelques morceaux, et à force, l’instrument commençait à s’endommager. Les mains dans les poches, il déambulait, le regard perdu dans la foule, perdu dans ses pensées. Et puis tout avait tremblé.

Des tas de souvenirs lui revinrent en mémoire. Le cœur de Zoltan fit plusieurs bonds dans sa poitrine, et la panique l’envahit. Il était habitué aux situations dramatiques. Et il n’avait plus grand-chose à perdre. C’était son instinct de survie qui provoquait cette peur en lui, plus que l’inquiétude pour des proches ou ses biens. Il savait l’orphelinat hors de danger, car il connaissait parfaitement la géographie de la ville et de la base : l’orphelinat était situé à l’opposé de la base, à la limite de la ville. Et si une lueur d’inquiétude éclairait son regard, il sentait que les enfants étaient en sécurité. Mais pas lui. Une petite pensée alla vers son frère, certainement sur la base. Lui aussi était en danger. Seulement, ça aussi il y était habitué. Savoir son frère presque constamment en danger de mort était son quotidien, aussi ne s’alarmait-il pas plus que ça à son sujet. Un monstre, un sans-cœur ? Non, Zoltan était juste habitué à voir les personnes qu’il aimait s’en aller.

Mais en attendant, il fallait quand même se mettre en sécurité. L’idée de rester planté au milieu de la foule et d’attendre qu’une nouvelle explosion ne vienne l’emporter l’effleura. Sauf qu’il aperçut Daisy, Daisy seule avec son petit ventre rond, se précipiter sous une table. Alors Zoltan en oublia toutes ses idées noires et courut vers la jeune femme.

Une seconde détonation fit de nouveaux trembler les murs, et Zoltan manqua de s’effondrer. Lorsque les lumières s’éteignirent, il comprit qu’il devait rejoindre son amie maintenant, sinon c’était foutu. Mais ses yeux eurent du mal à s’habituer à l’obscurité. Il sortit alors son téléphone portable de sa poche, et activa la lampe de poche. Le jeune homme ne mit pas longtemps à retrouver Daisy, et se jeta près d’elle. Il y avait déjà du monde sous la table, aussi ne put-il s’y mettre à l’abri. Il resta accroupi près de la jeune blonde, qui… était avec un gamin d'environ 5 ans.

« Hey ! » fit Zoltan pour marquer son apparition. Il posa sa main sur le bras de Daisy, un geste qui se voulait protecteur et amical. « Rassure-moi, tu vas bien ? Il est à qui ce petit ? »

La panique était contagieuse, personne ne semblait vraiment savoir où aller ou quoi faire. Certains courraient vers les sorties, d'autres se cachaient. Une seule motivation : être à l'abris, se sentir saufs. Mais là, sous cette table, Daisy commençait à avoir peur, elle n'avait plus les idées claires. Elle ne voulait pas être seule, ni être ici. Elle essayait de garder son calme, de toute façon crier ou pleurer ne servirait à rien, juste effrayer les autres. Elle ne parlait pas non plus, que dire de toute façon ? Rassurer sa voisine en lui disant que tout irait bien ? Elle ne pouvait pas promettre une telle chose à une inconnue. Non, des secours allaient arriver, les faire sortir et tout sera réglé. Elle avait lâché ses achats dans la précipitation, et déjà elle regrettait la peluche pour son bébé. Elle commençait à regretter beaucoup de chose. Le centre commercial se retrouva dans le noir, avec le temps pluvieux, les portes vitrées n'étaient d'aucun secours. L'électricité était coupée. Des cris d'horreur se firent entendre, des enfants pleuraient...  

Un homme et un enfant se dirigeaient vers elle. Le petit avait l'air effrayé, mais son père (elle supposa qu'il l'était vu comment il le protégeait) avait l'air sûr de lui, comme-ci il savait quoi faire. Sans que Daisy ne put dire quelque chose, il lui mit son fils dans ses bras. Peut-être était-ce l'instinct maternel, mais elle resserra son étreinte sur le petit, inconsciemment. L'homme était accroupi, il lui adressa quelques mots. Elle l'écoutait en hochant de la tête, comme lorsque son père lui expliquait les dangers de son métier. « Ecoutez moi je suis le lieutenant Colonel Hollingtown, J'ignore tout comme vous ce qu'il se passe, mais vous devez rester calme. Veillez sur lui, je dois aller jeter un œil à l'extérieur. Rester le maximum sous cette table, je reviens très vite sinon vous me trouverez à Redstone. » Le fait qu'il soit militaire était un soulagement, il savait quoi faire et il trouverait une solution. Ils ne bougeraient pas, pour aller où de toute façon ? Il adressa quelques mots à son fils, elle l'entendit lui dire qu'il l'aimait. Et elle pensa à son bébé. Mais il ne fallait pas craquer, surtout pas devant ce petit garçon. Elle le tenait toujours dans ses bras. « Ton papa est très courageux ! » Elle senti sa petite tête bouger, comme pour acquiescer. « Et dis moi, comment tu t'appelles ? » Il ne put répondre, une lumière (une lampe torche ?) s'approchait, puis quelqu'un se glissa à côté d'elle : « Hey ! », c'était Zoltan. Jamais elle ne fut aussi heureuse de voir un visage familier, il posa sa main sur son bras. « Rassure-moi, tu vas bien ? Il est à qui ce petit ? » « Je vais bien, on va bien. Et toi ? » Elle murmurait, comme par obligation, comme si l'ambiance n'était propice qu'à des murmures. « Son père est militaire, il est parti voir ce qu'il se passe. Il m'a confié son fils en attendant. »

I CAN HEAR THE DARK DAYS COMING.

Jamie-Rose, vous êtes encore là ? Robin ?

Jamie-Rose croisa le regard de Robin, qui lui avait adressé la parole quelques secondes plus tôt. Elle ne lui avait pas répondu, trop choquée parce qu'elle voyait, ce qu'elle sentait à présent que les lumières s'étaient éteintes. La jeune femme était une vraie peureuse, habituellement; mais dans des situations de crise extrême, elle s'était avérée être une personne calme et pleine de sang-froid. Cela s'était prouvé lors de la fusillade, où elle avait quand même pris une balle pour sauver sa meilleure amie et Andrew.

Cela se prouvait encore aujourd'hui, alors qu'elle entendait la voix rauque et le souffle coupé de Woody dans ses oreilles. Elle passa sa main sur la plaie de Woody, éloignant les mains du jeune psychologue de la blessure - et ce qu'elle sentit lui faisait froid dans le dos.

Tout va bien, Woody. Je suis là, Robin est là... On est là.

Mais ce n'était qu'à moitié vrai. Elles étaient bien là pour lui; Robin et Jamie-Rose, deux rousses qui ne s'appréciaient pas vraiment -trop différentes, trop proches de Woody de manières trop dissemblables. Mais rien n'allait bien. La blessure de Woody s'était rouverte, le sang coulait abondamment. Jamie-Rose enleva sa veste rapidement, et essaya de contenir ce qui semblait être une sacrée hémorragie. Elle essayait désespérément de capter le regard de Robin dans l'obscurité.

Robin.

Elle avait murmuré le prénom de l'autre rousse le plus bas possible. Jamie-Rose ne voulait pas que Woody l'entende, parce que s'il y avait une chose qu'elle savait, c'était que dans une telle situation, personne ne veut s'entendre dire que la situation est mauvaise... Très mauvaise.

Robin... Il faut trouver un médecin. Vite.

Elle espérait que Robin comprendrait le message; si le centre commercial était plus silencieux à présent, on pouvait toujours entendre le murmure de la population apeurée.

Et dans cette population, se trouvait peut-être celui ou celle qui pourrait sauver Woody de la mort. Car c'était bien la direction vers laquelle le jeune psychologue se dirigeait.

Que plus rien ne se passe aurait été trop beau. En un claquement de doigt, le noir prit possession du centre. Et comme une réponse à cette attaque, des cris, puis un silence. Robin s'était sentie excédée par les cris mais le silence ne lui convenait pas mieux. Le noir non plus. Rien ne leur permettait, Jamie et elle, de s’occuper de l’état de Woody. Pour le moment c’est ce qui inquiétait le plus la jeune rousse. Cette attaque, ce black out ne l’effrayait que parce que la vie de son ami était en jeu. Tout va bien, Woody. Je suis là, Robin est là... On est là. Robin sursauta. La main de Woody venait de se glisser le long de sa joue. Elle essayait tant bien que mal de maîtriser sa respiration pour ne pas que le garçon sente l’angoisse l’envahir. Elle ne voulait pas l’inquiéter, à l’instar de Jamie qui agissait doucement. Robin prit la main de Woody dans le sienne, appréciant ce contact rassurant contre son visage. C’était aussi sa manière de lui montrer qu’elle était là et qu’elle ne le laisserait pas tomber.
La rousse ne pensait pas pouvoir se dire un jour que la présence de l’écrivain auprès d’eux représenterait un soulagement. Il y avait moyen d’agir à deux, en faisant preuve de réflexion. Et heureusement, l’esprit bien lucide de Jamie serait d’une grande utilité. Robin. Elle entendit l’appel de la jeune femme, bien que très bas. Elle garda la main de Woody dans la sienne mais l’ôta de son visage pour se rapprocher de la rousse. Robin... Il faut trouver un médecin. Vite Jamie avait analysé la situation. La jeune femme l’avait sentie bouger dans le noir mais elle ne sut pas si elle avait eu accès à la plaie, si elle avait déjà effectué un premier soin. Trouver un médecin dans cet endroit mais surtout dans le noir relevait de l’impossible.  « Je vais essayer de bouger, murmura-t-elle, je vais chercher quelqu’un qui pourrait nous aider .» Robin se tourna maintenant vers le blessé. Elle n’avait pas lâché sa main et avait peut-être même resserré son emprise. « Je reviens Woody, je vais essayer de voir ce qu’il se passe … Ne bouge pas trop d’accord ? » elle réussit à trouver le visage de Woody et caressa ses cheveux avant de lâcher sa main. La rousse s’adressa une nouvelle fois à Jamie « tu restes avec lui d’accord ? Je sais pas comment je vais vous retrouver après mais on va se débrouiller.. » Elle s’apprêta à partir, mais se ravisa. «Merci » elle n’avait pas prononcé ce mot trop fort, peut-être par fierté, mais Jamie saurait qu’il lui était adressé. Sans plus attendre, Robin s’éloigna. Elle avançait prudemment, et ne cessait de répéter ces mots « j’ai besoin d’un médecin ou de quelqu’un qui pourrait m’aider .. j’ai un ami blessé » s’adressant à tous les groupes de personnes qu’elle heurtait ou rencontrait sur son passage.