« Oh meu Deus ! » Teresa regardait sa mère, reculant d'un pas. Dès que Madame Da Costa se mettait à parler en portugais ne valait mieux pas être dans les parages, d'ailleurs la demoiselle avait pris le même tic que sa chère et tendre mère. Mauvaise habitude selon elle. En même temps, elle ne pouvait pas lui reprocher sa réaction, Teresa lui avait annoncé une nouvelle dès plus déconcertante. Le genre de nouvelle où toutes les réactions les plus improbables sont possibles. Tristesse. Joie. Colère. Etonnement. Jalousie. Dans ce cas précis, c'était plutôt un mélange de colère et d'étonnement, le genre de surprise que la mère de Teresa aurait voulu entendre dans d'autres circonstances. « Mais t'es complètement inconsciente ma pauvre fille. Tu n'as que dix huit ans Teresa, t'es encore jeune. » Complètement inconsciente peut être, mais totalement amoureuse. La jeune demoiselle était tombée amoureuse de Gabriel pendant bien longtemps, beaucoup plus âgée qu'elle, leur relation était secrète jusqu'à aujourd'hui. Elle jeta un œil sur sa main gauche et le bijou qui l'ornait. Une magnifique bague. Terriblement belle. Elle brillait de mille feu. Elle murmura faiblement : « Mais je l'aime. » Sa mère la regarda exaspérée par la situation. Un moyen de raisonner sa fille. Aucunement. « Fais pas cette bêtise Teresa, t'as encore toute la vie devant toi, c'est ton premier amour et ça ne sera pas le dernier. Tu n'as même pas commencer tes études. Et tu c'est que c'est notre priorité. » « C'est trop tard de toute façon. Aujourd'hui, j'ai dix huit ans, j'ai l'âge de me marier, tu ne vas pas me l'en n'empêchez. Je l'aime. Et je veux me marier avec lui. Un point c'est tout ! » Sa mère se tourna vers son mari assis sur la canapé, à moitié concentré par la conversation, espérant avoir de l'aide, mais il ne semblait pas vraiment à parler. Elle hurla pour le réveiller. « Dis quelque chose ! » Teresa se tourna vers lui, avec ses yeux presque suppliants. Il la regarda et finit par s'approcher d'elle, pour venir poser ses mains sur ses épaules. Il la regarda droit dans les yeux. Etant son unique enfant, son père a toujours eu du mal à la résister. « Ecoute ma fille. T'es grande. Epouse-le si tu veux. Mais assume ton choix. » Sa mère resta silencieuse et Teresa poussée par un élan, se logea dans les bras de son père pour le remercier.

Au mauvais endroit, au mauvais moment. Teresa aurait préféré ne pas avoir vu cet instant qui désormais la hantait. Elle s'était réfugiée dans les bras de sa meilleure amie, pleurant toutes les larmes de son corps. Elle l'avait vu... Elle avait vu son mari dans les bras d'une autre femme. Elle avait vu son homme à lui, embrasser une autre femme avant de rentrer dans un bar. Elle croyait qu'il était en mission mais visiblement ce n'était pas les cas. Il lui avait ouvertement menti. Trompée. Trahie. Est ce que c'était la première fois qu'il la trompait ? Ou au contraire, il l'avait déjà fait à plusieurs reprises ? Elle ignorait. Teresa était complètement déboussolée, perdue. Ses repères avaient explosé en l'espace de quelques secondes. Les yeux imbibaient de larmes, elle enchainait les mouchoirs les uns après les autres, la table basse en était remplis. Elle n'avait rien vu venir, rien du tout. Une gifle en plein visage. En y réfléchissant, elle aurait pu s'en apercevoir, mais elle l'aimait tellement. Elle le croyait, elle lui avait donné toute sa confiance, aveuglement C'était son mari, elle l'avait épousé alors qu'elle avait à peine dix huit ans. Finalement au bout d'une heure, elle finit par s'en aller. Sa meilleure amie avait appelé un taxi par simple précaution. Teresa n'était pas en état de faire le trajet toute seule en métro. Lorsqu'elle arriva chez elle, elle se mit à enchaîner les cigarettes, énervée. Assise dans la cuisine, elle avait terminé une bouteille de vin, toute seule. Les yeux fixées sur l'horloge, elle regardait, les minutes avançaient. Elle perdait un peu la tête, elle se mit à pleurer, avant de rire et puis s'énerver. Elle appela son mari plusieurs fois, mais elle tomba sur la messagerie. Elle l'appelait sans jamais s'arrêter, mais il ne daignait pas lui répondre. En mission. Des bêtises ! Enervée, d'un geste brusque, elle renversa son verre de vin qui se brisa sur le sol en mille morceau. Comme son cœur. Comme son mariage. La parfaite image d'un amour brisé. Dix ans de mariage foutu en l'air. En un claquement de doigt.

La musique à fond, les fenêtres ouvertes laissant ainsi le vent investir toute la voiture, Teresa chantait à tue tête une chanson de Britney Spears, baby one more time sous les yeux ahuris des autres conducteurs qui la dépassaient. Elle leur lança des grands sourires. Elle n'avait aucune, elle assumait parfaitement ses goûts déplorables en musique. La New Yorkaise conduisait ainsi dans la bonne humeur vers Huntsville. Elle avait quitté New York hier soir, puis s'était arrêtée dans un petit motel au bord de la route. C'était pour elle l'occasion de se retrouver toute seule et de visiter les Etats Unis d'une autre façon. Un nouveau déménagement, le troisième de sa vie. Il y avait celui de son mariage, celui de son divorce et aujourd'hui une nouvelle affectation en Alabama. Elle aurait pu rester à New York, la vie là-bas lui plaisait vraiment, la jeune femme s'était habituée au petit train train quotidien, jongler entre ses élèves, des petits morveux, le métro, son cours de yoga, ses sorties entre amies. La décision fût difficile, pendant un mois, elle n'a cessé de peser le pour et le contre et elle en était venue à la conclusion qu'elle en avait besoin. Démarrer une nouvelle, reprendre sa vie en main, c'était ce qui lui fallait. De toute façon, est ce qu'elle avait vraiment le choix ? Elle était partie sans se retourner rendant la séparation plus simple. Eviter les larmes. Elle s'arrêta à une station essence pour faire le plein, elle prit quelques minutes pour se reposer. Adossée contre sa voiture, de sa poche, elle sortit son paquet de cigarette pour piocher une clope qu'elle coinça entre ses lèvres. La chaleur était étouffante, mais elle avait absolument besoin de sa pose cigarette. Teresa regardait les voitures défilaient sous ses yeux, elle vérifia son téléphone, trois appels manqués de sa maman. Elle soupira désespérée ou plutôt exaspérée. Elle imaginait déjà ce qu'elle allait lui dire, elle la connaissait pas cœur... Elle l'appela. Messagerie. Elle soupira. « Maman c'est moi. Ton unique fille. Ecoute je suis encore sur la route, je devrais arriver dans quelques heures à Huntsville. T'inquiète pas pour moi. Eu te amo. »Après avoir fait le plein et payer, elle repartit. Le chemin était encore long. Teresa ne savait pas ce qui l'attendait, mais une chose était sûre, la vie lui réservait plein de surprise.