« Comment ça tu veux devenir infirmière militaire ? » Tu t’interromps immédiatement dans tes gestes et tu déposes tes couverts à leur place. Agacée, tu lèves les yeux et découvres une mère furieuse et un père silencieux. Consciente que ce que tu viens de dire est une véritable bombe au sein de la famille Whitefield, tu répètes clairement tes intentions professionnelles. De la pure arrogance aux yeux de ta mère qui se lève brusquement de table et bougeant dans tous les sens, enfreignant au moins une bonne dizaine de règles de bonne conduite chères à ta mère. Levant les yeux au ciel, tu dévisages ton père, totalement insensible en apparence à ce que tu viens de dire. Cela devrait lui faire plaisir, mais tu n'es pas lui. Tu n'es pas ce garçon tant désiré qui aurait pu aller aussi loin que Monsieur Whitefield. Dégoûtée, tu abandonnes ton repas, désormais froid, et commence à sortit de la pièce quand tu entends la voix de ton père, dure et froide, s'élever. « Attends. » Tu restes figée. Toi qui croyais t'en sortir aussi facilement auprès de ton père qui n'avait pas de réaction suite à ton annonce, tu t'attends bien sûr au pire venant de ton père. « Tu n'as pas la moindre idée de ce qui t'attends, Maxime. Ce métier n'est pas fait pour toi. » Evidemment. Tu n'es pas un garçon. Ton père est si strict, qu'une femme dans l'armée est un fait totalement impossible. Encore plus quand il s'agit de sa propre fille. Tu es bien sûr furieuse de constater à quel point tes parents n'ont aucune considération envers toi, ni aucun intérêt. Mais cela, tu en as l'habitude depuis des années déjà. En serrant, les dents, tu te retournes doucement et voir ton père continuer de manger comme si de rien n'était n'arrange rien. Ta mère, elle, se terre dans un coin en buvant les paroles de son mari et en faisant mine de pleurer. « Je n'ai pas besoin de ton approbation. Je vous annonce cela car j'ai bien l'intention de le faire. Et tu ne sais rien sur moi. Comment pourrais-tu me juger ? » Le cri que pousse ta mère et le hoquet de ton père sont si satisfaisants que tu ne peux t'empêcher de sourire en sortant d'ici.

 Le silence plombant régnant dans ta maison te ronge profondément. Les yeux fixés sur ton portable, tu sais que l'on peut t'appeler d'un moment à l'autre pour ta prochaine mission. Bien sûr, il y aura ton amie, Roxanne, infirmière militaire aussi, mais tu seras loin de chez toi. Tu te moques toi-même de cette pensée ridicule. Tu n'as pas de chez toi, et personne depuis que tu es partie comme une furie de chez tes parents. Affalée sur ton sofa, tu décides de sortir un peu pour te changer les idées quand ta sonnerie résonne. Immobile dans le vestibule, tu t'en empares et réponds avec empressement. La voix qui te semble si familière n'est pas celle à laquelle tu t'attendais. « Maxime ? Je .. Je voulais juste te prévenir que ton père était mort. Une mission s'est mal passée et .. Une bombe. » Tu restes muette face à la douleur perceptible dans la voix de ta mère. A bout de souffle, tu l'entends retenir un sanglot et continuer avec difficulté. « Ecoute, je suis désolée mais .. J'aimerais que tu sois là pour l'enterrement et pour moi. » Tellement égoïste de sa part que tu ne manques pas de rigoler. Bien sûr, comme si tu allais la soutenir alors qu'elle te déteste depuis ta naissance. De toute façon, ton répit est de courte durée puisque ton portable reçoit un autre appel. Appel que tu prends en laissant ta mère sans réponse. La mort de ton père t'a tellement prise au dépourvu que le second appel ne te fait plus aucun effet. « Mademoiselle Whitefield, vous venez de recevoir un ordre de déploiement. Vous partez demain. »

 Allongée sur le ventre, tu sens sa respiration et la tiédeur de sa main posée sur ton dos. Le sourire aux lèvres, tu oublies que cela fait déjà deux semaines que tu as été déployée en tant qu'infirmière militaire. Tu oublies aussi le fait qu'il fait une chaleur insoutenable, surtout en ce moment dans ta tente. Profitant de ce moment de repos, tu ouvres tout de même les yeux et souries un peu plus quand tu remarques que le charmant soldat avec qui tu flirtes depuis ton arrivée te dévisages comme si tu étais la huitième merveille du monde. « Pourquoi ce sourire si satisfait, Cooper ? » Il rigole et t'embrasse sur le front avant de se lever et de commencer à s'habiller. Mécontente de le voir déjà partir, son sourire ne fait que de grandir quand il aperçoit ta mine boudeuse. « Allez Maxime, ce n'est pas comme si cette nuit ne pourra pas se reproduire. » Tu le regardes d'une façon méfiante quand il se rassied sur le lit qui meuble ta tente et quand il s'avance vers toi et d'atteindre tes lèvres avec les siennes. Quand tu rouvres les yeux, il est déjà à la sortie de ta tente. Avec un soupire, tu te lèves à ton tour et revêts ton uniforme quand une détonation souffle toute la poussière au sol et quasiment toute ta tente. Plaquée au sol, tu sens ton coeur battre la chamade, et à peine crois-tu que cela est terminé qu'une seconde détonation se fait entendre, accompagnée de cris signalant une attaque ennemie. Cherchant des yeux une trousse médicale pour faire de ton mieux quand cela sera fini, tu restes au sol, le dos calé contre un meuble. Quand les détonations et les cris arrêtent de fuser, tu sors et ce que tu vois te fige d'horreur. La scène est quasiment apocalyptique, et les soldats s'agitent en tous sens comme la procédure l'exige. Tu repères en un rien de temps de nombreux blessés, et quand tu t'agenouilles devant un corps féminin afin de l'aider, tu fonds en sanglots. Devant toi, ta meilleure amie mutilée et apparemment morte.

 Tu te réveilles en hurlant en ayant comme dernier souvenir de ton cauchemar, le visage de Roxanne. Il te faut d'ailleurs plusieurs minutes avant de retrouver une respiration à peu près normale. Prise de frissons, tu sors de ton lit et t'assois dessus, le visage entre tes mains. Ce n'est malheureusement pas ta première nuit blanche puisqu'il y en a au moins eut une cinquantaine depuis ton retour forcé. Sentant les larmes monter, tu t'empresses de te diriger vers la salle de bain et de te mettre sous la douche. Tombant au sol doucement, le dos contre le mur, tu sens l'eau glacée courir sur ta peau brûlante. Le souffle court, tu sens les larmes couler le long de tes joues, des larmes amères. Tu te détestes, d'être si faible et de pleurer quand tu te moques de cela. Tu te hais de ne pas pouvoir te contrôler ou d'oublier simplement ce foutu jour et Roxanne. C'est simplement plus fort que toi. Coupant l'eau au bout d'un certain temps, tu t'extirpes totalement trempée de la douche et va directement te recoucher en te fichant de l'eau se répandant sur le sol ou dans ton lit. Les yeux fixés sur le plafond, ton réveil te fait sursauter et tu constates avec irritation qu'il faut que tu te rendes à ton stupide rendez-vous chez le psychologue. Des rendez-vous presque ordonnés suite à ta dernière mission.