0 à 14 ans. C'est dans une petite ville au fin fond du Sud de la France que nait Sophie. Fruit de l'union entre sa mère, norvégienne et française, et de son père, anglais pur souche venu s'installé plus près du soleil. Si son grand frère est lui aussi brun qu'un corbeau, Sophie elle, tient plus de sa mère aussi blonde que les blés et c'est une petite tête blonde platine qui égailla la maison des Papertown. Enfant active et sérieuse à l'école, elle faisait le bonheur de ses parents, la fierté de son frère plus âgé. Plus elle grandissait, plus elle s'embellissait. Douce comme un agneau, sa vocation se dessina petit à petit. D'abord les animaux, la faune, la flore. Ce besoin oppressant de protéger ce qui ne pouvait pas l'être, d'aider ceux qui ne pouvaient le demander. Et puis tout changea au détour d'un accident de voiture auquel elle assista, spectatrice des efforts surhumains des médecins pour sauver une mère qu'elle ne connaîtra que jusqu'à ses 14 ans. Elle développera après ce drame une passion particulière pour les soins, la médecine. Pour les grands blessés. Parce qu'elle ne s'est jamais pardonné la mort de sa mère, ni son état statufié face à la perte de celle-ci. Et si son frère et son père eux, décidèrent d'avancer, Sophie resta en quelque sorte prisonnière du passé, ressassant les faits. Se demandant "et si?". S'imaginant à quoi ressemblerait sa mère maintenant. Ce qu'elle dirait. Probablement "tu es folle ma fille". Folle d'avoir décidé après l'intervention de l'armée dans son collège français qu'elle serait non seulement infirmière, mais infirmière militaire. Près de ceux qui frôlent la mort de la même manière que sa mère : dans d'atroces évènements.

14 à 21 ans.
Sophie se concentre sur ses études. Encore et encore. Elle en oublie les hommes qui lui courent pourtant après, princesse des coeurs. Mais elle ne s'attarde sur aucun d'eux car elle voit bien dans leurs yeux qu'ils ne sont là que momentanément. Qu'à la première occasion ils partiront. Alors elle se méfie, car dès qu'elle baisse la garde, ils viennent comme des loups affamés lui bouffer le coeur. Blessée, elle s'enferme dans les bouquins pour palier à la douleur et devient une élève félicitée par ses professeurs. Son frère lui, file du mauvais coton. Et son père. Son père. Il s'enferme dans son bureaux des heures durant sans en sortir, sans dire un mot. Il travaille d'arrache pied, astrophysicien. Et puis un beau jour, il est recruté par des services américains qui se plient à ses moindres désirs. Alors du jour au lendemain, Sophie fait ses valises et s'envole aux USA. Perdue dans un Kansas trop ardent pour sa peau de nordique, elle s'engage dans l'armée pour poursuivre son seul but : l'armée. Rien que l'armée. Sauver des vies parce qu'elle n'a pas pu sauver la sienne.

21 à 24 ans.
Sophie galère. Ce n'est pas du tout comme elle l'imaginait. Elle la pacifiste un peu fleur bleue se retrouve en enfer en quelques mois. D'abord, il y a cet entrainement physique qu'elle réussit avec beaucoup de mal, certainement pas faites pour porter une arme, elle préfère, elle, porter des scalpels. Mais bon, on a pas toujours ce qu'on veut dans la vie. Finalement, à ses 23 ans, on l'envoie sur le front. Et pas n'importe lequel. Afghanistan. Comme première expérience, c'en est une des plus vives. Au départ, comme beaucoup avant elle, elle panique. Trop de blessés, trop de morts, trop de sang, trop de cris. Trop. Mais après plusieurs semaines, elle finit par se forger ce caractère bien incisif qui fait d'elle aujourd'hui une infirmière au sang froid réputé et au doigté délicat. Tout ce qu'elle sait aujourd'hui, elle l'a appris là-bas, en enfer. Et c'est d'ailleurs aussi là-bas que sa réputation voit le jour. Princesse, poupée, ange. On lui donne des surnoms tous plus ridicules les uns que les autres, c'est à se demander même si certains ne faisaient pas exprès de se blesser pour passer quelques minutes en sa compagnie. Mais la guerre n'a pas le temps pour ce genre de bêtises, alors bien vite, on l'envoie ailleurs, plus loin encore, au coeur de l'action. Ses talents sont réputés, sa beauté aussi. Cadeau de soldat à soldat.

24 à 28 ans.
On le lui avait bien dit : elle n'y resterait qu'un an. Et les jours, elle les comptait avec impatience. Hâte de partir d'ici, mais aussi hâte de voir d'autres terres que cet amas de sable et de sang. Pendant un an, elle en aura vu des cas. Tous plus ou moins graves, plus ou moins sauvés. Et pourtant, il y en a un qui l'a profondément marqué. Qui lui traverse encore l'esprit aujourd'hui par moment, comme une symphonie pas terminée. Comme un livre qu'elle aurait ouvert sans connaître la fin. Une énigme sur le bout de la langue. Un patient dont elle ne sait que le prénom. L'origine, surement. Mais dont elle reconnaîtrait les cris parmi cent autres. Lui, était si proche de la mort que beaucoup auraient abandonnés. Comme ces infirmiers sur l'autoroute qui avaient laissés sa mère pousser son dernier souffle. Mais Sophie était bien trop déterminée à le sauver, ce soldat couvert de sang, entouré par d'autres plus inquiets qu'elle ne le serait jamais. Visiblement apprécié, on lui criait de tenir bon, de pas partir, de rester là, avec eux. Et Sophie s'affairait sur ses blessures qui auraient dues le tuer sur le champ. Petit soleil caché par les soldats noirs de peintures agrippés au blessé, le tenant fermement sur le brancard. Un coup d'oeil sur son uniforme suffit pour qu'elle prononce doucement son nom dans un Français parfait qui détonnait grandement au milieu de tous ces jurons anglais. Elle lui parlait, doucement, captait son regard qu'elle lui implorait de ne pas quitter, lui promettant qu'il verrait le couché du soleil entre deux ordres fermement criés à ses subalternes. Un long moment intense qu'elle n'oubliera pas. Ses yeux, sa mâchoire crispée, ses muscles tendus. À peine avait-elle terminée qu'un supérieur l'appelait pour rassembler ses affaires et partir d'ici. Ce qu'elle fit sans attendre, jetant un dernier coup d'oeil à ses collègues qui administraient des anti-douleurs au jeune soldat. Depuis, aucune nouvelle. Aucune certitude d'avoir sauvé ce garçon, d'avoir réussi là où d'autres auraient échoués. Aucune assurance d'avoir finalement parvenu à se débarrasser de ses démons en sauvant quelqu'un d'une mort certaine.

Présent.
Depuis 2011, elle aura voyagé partout où on avait besoin d'elle. Surtout en Libye. Mais après presque quatre ans de service intensif, on a finalement décidé qu'elle méritait un peu de repos. C'est pourquoi depuis maintenant six mois, elle sert à Redstone. Blessures mineures, check complet, tout est bien moins intense que sur le terrain. Et si au départ, elle voulait refuser cette offre, elle a bien conscience maintenant qu'elle avait besoin de retrouver une certaine monotonie afin de se ressourcer. Contente de retrouver son canapé et sa tasse de thé tous les soirs en rentrant du travail. Cependant, tout n'est pas qu'amour à Redstone. Pour preuve. Son arrivée n'est pas passée inaperçue. Auprès des nouvelles recrues comme auprès des plus anciens. On la cherche, la taquine. On flirt avec elle ouvertement sans se soucier des regards amusés des autres. On essaie inlassablement de se la mettre dans le lit, la petite Sophie, la petite infirmière. Et ses vieux surnoms refont surface à son plus grand damne. Princesse. Poupée. Beauté. Elle lève les yeux en l'air à chaque fois, lassée. On lui accorde beaucoup d'importance, chacun de ses mouvements sont épiés. Et ça, ça ne lui plait pas. Heureusement qu'elle n'est pas seule sur Redstone et que, après des années de perte de vue, elle retrouve sa plus grande alliée pour se débarrasser des regards pervers qu'on lui lance : Heaven.