Quoi que je dise, quoi que je fasse, quoiqu'il se passe, j'aurais toujours cette impression de décevoir. Et pourtant, je fais de mon mieux, j'ai suivi les traces de ma mère, je suis allé à West Point, je suis parti en guerre, j'ai vu mon meilleur ami mourir sous mes yeux, et j'ai encore cette fichue sensation que cela ne lui satisfait pas. Que dois-je faire pour avoir un peu de son amour propre? J'ai grandi, sans le regard d'un père, un père absent dont j'ignore totalement son existence alors petit, ce que je faisais, je fermais simplement les yeux, et je l'imaginais. Enfant, j'avais essayé plus d'une fois de demander à ma mère pourquoi il était parti, elle ne me répondait pas, elle fuyait. Ouais, elle partait en guerre en me laissant chez mes grands-parents. D'ailleurs, c'est eux qui m'ont éduqué, car ma mère tout ce qu'elle m'avait appris, c'était: Honneur, Patrie, Valeur, Discipline, Fidélité. Durant mon adolescence, elle me traitait comme l'un de ses soldats, il était hors de question pour moi, d'entrée une heure trop tard, de picoler, de fumer, de sortir tard, de faire rentrer ma petite amie à la maison, mais vu qu'elle n'était jamais là, je faisais ce que je voulais et par colère, je faisais tout ce qu'elle m'interdisait de faire. De toute façon, quand elle revenait de mission, c'était pour me faire la morale, et pourtant, la morale, c'était à elle qui fallait en faire. Je me rappellerais toujours, les soirs où elle rentrait morte pleine avec des hommes qui défilaient à tour de rôle.

À 17 ans, j'avais quitté la maison pour rentrer à West Point. C'est là que j'avais su pourquoi ma mère m'avait éduqué à la dure. Elle ne voulait pas que je me fasse passer pour un faible, un pleurnichard, et un incapable. Au bout des quatre ans d'études à West Point, j'en avais vu des gars pareils.  

Malgré que ma mère était loin d'être la meilleure des mamans, j'étais content pour elle, quand elle avait enfin trouvé l'amour. Bon, elle avait épousé un con, mais je ne voulais pas qu'elle finisse seule. Et puis, grâce à cette union, j'ai eu un frère. Le petit frère que j'ai toujours désiré avoir. Pourtant, j'avais encore ce vide en moi. Le mec de ma mère, je n'arrivais pas à le supporter, je l'aimais pas, et jamais, il remplacera ce trou. Pour combler ce vide, ce manque, ce mal-être, je partais en Irak combattre auprès de ma véritable famille, mes frères. La guerre n'est qu'autre qu'un terrain propice aux expériences choquantes. Ce que nous voyons sur le terrain, cela ne s'apprend pas, et la façon dont, on doit faire notre deuil quand on perd un frère, ça? Ça ne s'apprend pas non plus. Cela ne fait que quelque semaine que j'étais de retour aux pays, et je n'arrivais même pas à oublier les images de la terreur que j'avais vécu et la mort de mon meilleur ami ne faisait qu'empirer. Pourquoi est-il mort et pas moi? Il fallait à tout prix que je trouve un repère dans ma vie, un but pour surmonter ces événements. Un jour, alors que j'étais seul chez moi, j'avais eu envie de mettre un terme à mon existence, et vous savez ce qui m'avait retenu? Une photo. J'étais tombé sur une vieille photo des années 86. Le puzzle de ma vie avait commencé son assemblage ce jour-là. J’avais enfin su à quoi ressemblait mon véritable père. Au départ, je pensais que c'était lui mon repère, mais, j'avais très vite compris que le seul et unique repère est d'avoir ma mère derrière moi. Je lui cachais mon désespoir, mon envie d'en finir, car, cette lueur que j'avais pu apercevoir le jour de mon retour, cette lueur de fierté, je n'avais pas envie de la perdre.