Cesairs et toi c'est une amitié de longue date, depuis toujours, comme une évidence. Elle t'est apparue pour la première fois comme un rayon de lumière. Tu n'avais pas plus de cinq ans, et pourtant dès le premier regard tu as su que quelque chose se tramait. Tu as senti que ton coeur se rebellait, que ses grands yeux innocents et d'une douceur sans pareille t'envoûtaient. Tu lui as ouvert tes bras, tu lui as ouvert ton âme. Dès lors, vous ne vous êtes jamais quittés. Ses chagrins étaient les tiens, tes joies étaient les siennes. Comme un double, une moitié, une jumelle inavouée. Puis Phoenix est arrivé. Avec sa gueule d'ange et sa voix mélodieuse. Leur rapprochement était perceptible, leurs sentiments palpables. Mais peu t'importait tant qu'elle restait à tes côtés, tant qu'il restait ton ami. Vous étiez trois contre le reste du monde. Vous étiez un contre le reste du monde. L'utopie était grande et belle jusqu'à la fin des études. Vous avez décidé de faire une colocation, ensemble, unis à jamais. Et c'est là qu'il a fait sa demande. C'est là que tu les entendais partager leur amour, la nuit, dans la moiteur des draps. C'est là que tu entendais ses soupirs d'abandon, le frottement de leurs deux corps. Et c'est là, que tu as pleinement pris conscience qu'elle était bien plus que cela. Tu as préservé ton secret, barricadé ton coeur et a continué à les suivre, car ta vie sans eux était inconcevable. Inversement proportionnel. Jusqu'à cette fameuse après-midi, où tu t'es fait attrapé par des types cagoulés. Cette après-midi où tu t'es fait cuisiné, menacé, violenté, torturé. Ton deal de survie était simple: enfermer la jeune femme à jamais, ou crever à petit feu. T'as beau être fou de Cesairs, tu es encore plus fou de la vie. Alors, tu as passé un marché. Ta liberté contre la sienne. Sa vie contre la sienne. Tu n'oublieras jamais son regard d'animal enfermé, cette larme de rage silencieuse. T'as tout fait foirer, tu le sais. Et tu sais que jamais elle ne te le pardonnera. Tu ignores d'ailleurs où elle a atterri, ils ont refusé de te communiquer la moindre information. Alors tu ronges ton frein, tentes de vivre la conscience saine après un tel acte de trahison. Mais le fait est que sans Phoenix, tu chavires. Sans Cesairs, tu ne respires plus. Tu t'en veux, tu t'en mords les doigts, et tu la cherches. Dans toutes les prisons, toutes les forteresses. En ignorant qu'elle est plus proche de toi qu'il n'y paraît. Attendant sa vengeance avec patience, attendant le moment opportun pour te faire sombrer à ton tour.


extrait de ma fiche:
« Cesairs Fitzgerald, vous êtes en état d'arrestation. Vous connaissez vos droits. » Ton corps se fige, le temps semble s'arrêter tout autour de toi. Ton visage est de marbre, et pourtant tout s'écroule en toi. Piéger, tu t'es faites piéger. Et comme une débutante, tu n'arrives pas à y croire. Tu n'opposes aucune résistance, laisses cet abruti te blesser les poignets avec ses menottes de forgeron. Le restaurant tout entier est figé à son tour, aux aguets, suivant la scène comme ils regarderaient un policier. Les événements tournent au ralenti tout autour de toi, et pourtant ton visage ne trahi toujours aucun émotion. Tu brides l'animal piégé, enragé au fond de toi et revêt ton masque de l'absence. Celui que tu portes à chaque complication, celui qui est synonyme de profonde réflexion. Ton cerveau tourne à plein régime, tu analyses la situation et celles qui viendront. Tu es dans la merde, et ce jusqu'au cou. Vous ne prenez pas le chemin du commissariat, et tu sais à quel point c'est un mauvais présage. Tu sais que tu vas tout droit dans la gueule des services secrets, ces types qui traquent les criminels. Et tu en es une, malgré tes convictions et ce que tu peux penser. Tu sais que tu vas tout droit dans l'antre béante du gouvernement, et que ta liberté t'est désormais à jamais enlevée. Et dans tout ce bordel, tu trouves encore le moyen de penser à Phoenix. A cette fin, sa fin, votre fin. Ta gorge se noue tandis que tu te repasses les images dans ta tête. L'absence de nouvelles durant la mission, ton arrivée précipitée en renfort. Ce hurlement qui a jailli de ta gorge lorsque tu as vu les balles, ces mêmes balles de ce putain de même gouvernement, cribler le corps de l'homme que tu aimes de trous sanglant. Cette détresse, cette haine que tu as laissé s'échapper, non, ce n'était pas toi. Ce n'était rien d'autre que la femme transie d'amour que tu préservais, dissimulais. Judas t'a retenue, serré dans ses bras et emmenée loin avant qu'ils ne te descendent à ton tour. Judas t'a soutenue, t'a aidée, aimée, réconfortée du mieux qu'il le pouvait. Mais la brûlure est toujours là, intacte, suintante. Le voile dans ton regard se lève, regard figé sur une personne. Tu refuses de bouger, t'arrêtes net. Ta bouche se tort, tu voudrais parler, hurler, mais aucun son ne s'échappe de tes lèvres. Une larme fuyarde sera ta seule parole, ta seule douleur. Cette silhouette, tu la reconnaitrais encore mille. Judas. C'est lui, l'apôtre vengeur, celui qui trahi. Jamais il n'avait mieux porté son nom qu'à cet instant précis. Judas. C'est lui qui t'a vendu. Comme une chienne, une moins que rien. Vendue contre sa propre liberté. Il le paiera.