Rien n'est censé les lier, si ce n'est son crime envers l'Etat israélien. Il travaille pour lui. Elle a refusé d'y être liée. Il travaille pour son père. Elle refuse de rentrer pour lui. Elle est son ombre au tableau. Très certainement celle d'X. Leur relation ne peut qu'être idéologiquement conflictuelle. Ils ne sont d'accord sur rien. Ils n'ont pas la même vision du devoir, du respect et de l'amour et de la patrie. Leur relation est active tout en étant passive. Tous les stratagèmes sont bons pour ébranler Olivia. Il faut la sonder, chercher ses points faibles, les investir, jouer de ses sentments, les agiter. Surtout jouer sur ce scandaleux paradoxe : Elle dit détester la violence et la refuser en Israël. Comment peut-elle y participer aux Etats-Unis ? Elle se mouve en treillis sous ses yeux, un treillis bardé d'un drapeau américain sur le bras. Entre eux, un conflit passif, sans élévations de la voix, sans larmes. De simples discussions arrachées où il peut, quand ses supérieurs le lui permettent. Ses supérieurs américains ! Quand elle daigne ouvrir sa porte, pour lui offrir, tout naturellement, ce café qui échauffera sa voix, cette même voix qui porte les ordres de Ginsberg père. Pas d'animosité, ni d'hostilité. Les esprits sont résistants, les idées figées. Elle porte haut une voix étouffée par la politique israélienne. Elle agit, quitte à s'ostraciser, quitte à perdre entourage, parents, culture et avenir radieux de « fille de ». Elle n'est ni stupide, ni méchante. Sa froide vertue est de ne pas plier devant des exigences qu'elle ne porte pas dans son cœur. X en est conscient et s'y heurte quasiment tous les jours. Lui n'est que le porte-parole et le bras armé de son pays. Combien de jeunes a t-il remis sur le droit chemin ? Un satellite chez qui, stratégiquement, presque avec énergie dans son argumentaire, elle tente d'éveiller un soupçon de conscience personnelle. De conscience libre. Chacun avance ses pions, l'un après l'autre, dans une partie figée.