« Alors Lexie, quand est-ce que tu nous présentes ton prince charmant ? » A vrai dire, cela faisait deux ans que je sortais avec Addison, mais environ seulement trois mois que mes parents étaient au courant que j'avais enfin rencontré quelqu'un. Par quelqu'un, ils entendaient évidemment un homme, et ne se doutaient absolument pas qu'il s'agissait en réalité d'une femme. Ma mère, tout aussi fleur bleue que moi, ne cessait de me poser toujours la même question à chaque conversation téléphonique. « Plus tard. Je … je suis un peu occupée ces temps-ci, tu sais bien. » C'est vrai que la gérance du bar occupait la majeure partie de mon temps, mais pas au point de ne pas avoir un après-midi pour leur présenter la personne qui partage ma vie. « Ça fait trois mois quand même, on aimerait bien le connaître ce garçon. » Je soupirai doucement. Je savais que je m'enfonçai dans mon mensonge, encore une fois, mais tant pis. Ce n'était pas le bon moment, ce n'était jamais le bon moment pour leur dire de toute façon. « On essaiera de passer un de ces quatre... » dis-je d'une voix assez évasive, comme toujours. C'était toujours la même rengaine, je le savais. Il n'y avait pas de prince charmant, pas de copain beau et serviable, rien de tout ce qu'elle pouvait imaginer. Il y avait une fille. Non, plutôt une femme, une merveilleuse femme qui avait pris mon cœur depuis deux ans... mais allez balancer ça à votre mère ! J'en étais bien incapable. « Tu dis ça depuis plusieurs semaines Lexie … A part ça, comment va Addison ? » Je me mordis la lèvre inférieure en fermant mes yeux, alors que mon cœur ne fit qu'un bond dans ma poitrine. Addison était énervée, lassée de mon mensonge, voilà comment elle allait en réalité. Ça n'allait mal fort nous ces temps-ci, et en partie à cause de ça. C'était toujours la même sensation que je ressentais en moi lorsqu'un de mes parents prononçait son prénom. Comme un grand coup de poignard en plein cœur, parce qu'en réalité, les entendre me parler d'Addison me rappelait douloureusement que je leur mentais depuis deux longues années. « Elle … elle va très bien. » répondis-je simplement, et d'une petite voix. Évidemment, je n'étais jamais à l'aise lorsque ma mère me parlait d'elle. C'était toujours un sujet que je cherchais à éviter, ou à balayer très vite dès lors qu'il arrivait sur la table. Mais pour évincer tout doute de ma mère face à mon embarras apparent, je poursuivis rapidement : « Elle t'embrasse d'ailleurs. » Ce qui était bien sûr totalement faux. Addison connaissait mes parents, mais je l'avais toujours présentée comme ma meilleure amie et depuis peu, ma colocataire, ce qui lui déplaisait beaucoup. Je la comprenais, à sa place, je n'apprécierais pas. Mais je n'y arrivais pas. Dire à mes parents que je sortais avec une fille, c'était comme déplacer une montagne, en somme, vouloir réaliser quelque chose d'impossible. Les mots ne sortaient pas. Ils ne voulaient pas sortir, et pourtant, il allait bien falloir qu'ils sortent de ma bouche un jour ou l'autre, car rester dans cette situation, c'était menacer mon couple.

Un week-end tranquille avec la personne que l'on aime plus que tout, quoi de mieux ? Un soir, Addison et moi étions assises sur le canapé de notre appartement, au calme à regarder la télévision. Je songeai à notre relation, et ne prêtait pas vraiment attention au discours de la journaliste. Je trouvais qu'Addison et moi nous voyons bien trop peu à cause de son engagement dans l'armée. Parfois, elle partait plusieurs jours pour s'entraîner et ne revenait que le week-end. C'était difficile pour moi de la savoir aussi loin, d'autant plus que je n'étais jamais à cent pour cent certaine de son retour... Malgré le fait qu'elle voyait que je me préoccupais énormément de ce sujet, j'avais le sentiment qu'Addison se contrefichait de ce que je pouvais penser. Pourquoi ne reprendrait t-elle pas ses études ? Quel dommage de tout avoir arrêté du jour au lendemain pour un métier aussi risqué que celui de militaire ! « Tu sais, je pense que tu devrais reprendre tes études de médecine... » dis-je tout à coup en caressant sa main, les yeux perdus dans le vide. « Non ! On en a déjà parlé ! Tu ne comprends pas, l'armée c'est tout pour moi, je ne vais sûrement pas perdre mon temps en reprenant les études, c'est n'importe quoi ! » Je sursautai légèrement sur le canapé, alors que je sentais sa main se dégager de la mienne et son bras s'écarter de mon cou. « T'énerve pas ça va, je trouve juste ça dommage que tu aies arrêté. Au pire, je peux m'engager dans l'armée avec toi, qu'est-ce que t'en penses ? » Quitte à tout plaquer, j'aurais très bien pu le faire, par amour pour Addison. C'était une proposition que je ne lui avais jamais faite, mais à vrai dire, j'avais déjà mûrement réfléchi à cette possibilité. Pourquoi pas ? Au moins, nous pourrions être ensemble quasi tous les jours, partager les mêmes aventures, et qui sait ? Peut-être que notre couple se ressouderait ? « Non mais t'es folle ! Et puis franchement, je te vois mal dans l'armée... » Elle me jeta un petit regard dédaigneux en souriant. Oui j'étais folle. J'étais folle d'elle, et on ne peut plus sérieuse. Que je veuille m'engager dans l'armée pour être tout le temps avec elle, ce n'était pas une jolie preuve d'amour ? Toujours est-il que je ne voyais pas où elle venait en venir dans le fait qu'elle me voyait mal m'engager dans l'armée. Je fronçai alors les sourcils et l'interrogeai du regard. « ...Comment ça ? » demandais-je en croisant les bras. Elle soupira, avant de me balancer dans un petit ricanement désinvolte : « Tu es beaucoup trop … chic pour porter le treillis. Voilà. » dit-elle en continuant de me sourire d'un air méprisant, comme si elle cherchait une nouvelle fois à jouer avec mes nerfs. Le pire, c'est que cela fonctionnait. A merveille. « Trop chic ? Vraiment ? Parce que tu crois qu'on peut pas être chic et militaire en même temps ? » Je levai les yeux au ciel. Ce genre de préjugé m'exaspérait. « Ouais, c'est ça ouais. » Son insolence persistante commençait à faire monter une colère monstre en moi. Si d'habitude, j'étais toujours assez docile avec elle, là, j'avais comme une soudaine envie d'extérioriser ma colère accumulée depuis trop longtemps. Depuis trop longtemps, je m'étais abstenue de lui balancer tout ce que je pensais d'elle, et là, j'allais craquer. « Tu m'énerves, tu le sais ça ? T'es tout le temps en train de me sous-estimer ! J'en ai ras le bol de ton caractère de merde ! Ça fait trop longtemps que ça dure » Je me levai brusquement du canapé, et me tournai vers elle en lui lançant un regard noir. « Tu sais quoi ? Puisque tu veux rien comprendre, j'me casse. » Je lui avais souvent fait ce genre de menace, mais là, ce n'était plus des paroles en l'air. J'en avais marre. J'avais besoin d'une pause. J'étais partie me coucher sans lui adresser un mot de plus, et le lendemain, quittai l'appartement dans lequel nous vivions en colocation au petit matin, mes valises à la main, les larmes aux yeux et ne sachant même pas où aller. N'importe où valait mieux qu'ici.

J'avais emménagé chez mon meilleur ami, qui avait volontiers accepté de m'héberger quelques temps dans son appartement le temps que je trouve d'autres repères. J'espérai recevoir un appel ou au moins un message d'Addison, mais rien, si bien qu'au bout d'un certain temps, j'avais fini par l'oublier. Pourtant, pas un jour ne passait sans que j'ai une pensée pour elle, à me demander ce qu'elle faisait à ce moment précis. Je l'aimais toujours, c'était indéniable, mais j'avais besoin de m'éloigner pour m'en rendre compte. J'avais aussi et surtout un besoin fou de me sentir aimée, désirée. Je savais que ce fameux meilleur ami avait une certaine attirance pour moi, mais je lui avais fait comprendre qu'il ne servait à rien d'insister, puisque je n'étais pas intéressée par lui et qu'une femme était déjà dans mon cœur. Un soir, le jeune homme me proposa de sortir faire la fête en boite de nuit histoire de me changer les idées, ce que j'acceptai avec grand plaisir. Danser et boire, voilà comment j'avais occupé ma soirée, ou plutôt ma nuit, sans grande surprise. Entrainée par plusieurs jeunes hommes dans des danses sensuelles, je pouvais enfin me sentir désirée comme je ne l'avais plus été depuis bien longtemps avec Addison. Pourtant, c'est au bras de mon meilleur ami que je repartis. Nous étions tous les deux dans un piteux état, et ce que je ne soupçonnai pas, c'était que dans les minutes qui allaient suivre, ma vie allait prendre un tournant considérable. Après m'avoir attirée dans son lit en étant bien éméché tout comme moi, je sentis ma robe glisser tout d'un coup contre les courbes de mon corps. « On peut pas faire ça... » dis-je au creux de son oreille en riant, complètement ivre. « Fais moi confiance... » Je n'avais pas conscience de ce qui m'arrivait, je savais juste que ce n'était pas bien, mais tant pis, au fond, je m'en fichais. Addison et tous mes principes étaient bien loin. Nous avions donc fait l'amour, en oubliant complètement le préservatif au profit d'un plaisir que nous attendions finalement tous les deux avec impatience mais pour des raisons très différentes.