Lukas désirait appeler sa jeune sœur, dans le but de la revoir, et qu'elle voit également leur mère, aujourd'hui mourante. Il se torturait l'esprit, réfléchissait à plusieurs façons de lui dire ce qu'il voulait.
La vie prenait beaucoup, et ne donnait que peu. Il n'avait jamais été quelqu'un à qui tout tombait sans effort. Lukas devait se battre pour y arriver, se battre pour avoir tout ce qu'il désirait. Depuis sa rupture avec Dolorès, il y a trois, peut être quatre ans, sa vie s'était effritée, sans qu'il ne puisse rattraper les morceaux. Il ne savait pas quoi faire ni comment parler à sa soeur, le coeur vide.
Rentre à la maison.
Était-ce un ordre ou une supplique ? Se faisait-il conciliant ou rageur ? Le rôle du grand frère, il l'avait quitté depuis longtemps. Mercedes avait pris les rênes de la famille sans demander l'avis à personne, et surtout pas à lui. Comme si... Elle ne lui faisait pas confiance. Ce n'était pas ça, mais il ne pouvait s'empêcher d'y penser. D'admirer son travail, son labeur, de se dire qu'il n'en aurait jamais fait autant, et de retourner à ses occupations. Comme si... La vie qu'il menait lui allait, alors que c'était faux.

Lukas n'appela pas sa soeur.
Ses doigts composèrent un numéro qu'il connaissait par coeur, qu'il avait gravé au fer rouge dans sa mémoire, à côté d'un nom que jamais il n'oublierait « Allô ? », « Dolorès... » Il n'y avait pas besoin de parler, les silences que vous vous laissiez étaient bien plus évidents que n'importe quoi d'autre « Écoute... Je suis désolée Stijn... Tu sais que l'on ne peut pas se voir. Essaye de... », « Mais j'ai besoin de toi. » Sa voix était rude, brute, il souffrait, et son antidote était si loin « C'est impossible. Courage. », « Dolo... » Mais la poupée avait déjà raccroché.
Dolorès et Lukas se sont séparés il y a quelque temps de cela. C'était difficile, mais la rupture dut être faite, dans les larmes et le sang. Depuis qu'il la connaissait, il ne vivait que pour elle, que pour la revoir, et s'abreuver de tout ce qu'elle pouvait lui donner.


Dès qu'il le put, Lukas s'orienta pleinement dans le hockey. Sport passion, il se consacra entièrement à cette activité, dans le but d'en faire son métier, en ne tenant pas compte des remarques de son entourage. Seulement, pour faire du hockey, il faut avoir un caractère bien trempé. Il faut aimer la gagne, les coups, les chocs, les bagarres... Si en dehors les joueurs pouvaient s'adorer, sur le terrain, c'était la loi de la jungle. En restant dans cette voie, Lukas se forgea obligatoirement un mental d'acier, en plus de son corps, pour résister à la pression, ne jamais se faire humilier, et tenter de devenir un leader sur le terrain. Si il prenait un coup, qu'il passait par-dessus une barrière, il y retournait, il rendait tout ce qu'on lui infligeait. Seulement, il confondait parfois la vie du terrain et la vie quotidienne. Tout n'était pas aussi franc en réalité. Et ceux d'en face n'avaient pas toujours de casque...
Cependant, la violence qu'il développa vis-à-vis de ce sport resta plutôt bien cadrée. Il avait des envies assassines plusieurs fois dans une journée, mais il gérer la chose de manière à ce que ses pensées ne se matérialisent jamais en actes.
Le hockey l'envenimait de plus en plus, surtout lorsqu'il passa professionnel. C'était des rixes sur le terrain et il se fit mettre sur le banc de touche plusieurs fois à cause de sa violence.
Et cette violence, il n'y avait que quelques élues qui en profitaient...

« Tu veux quoi pour tes vingt-six ans ? » Tu vis Dolorès attraper la paille du Milkshake entre ses lèvres, alors qu'au loin, un bus klaxonnait. Le bruit des moteurs et de la ville était derrière une vitre, vous confinant dans un coffee shop. C'était son préféré, et tu pouvais jamais lui refusait une sortie du genre. C'était vert anis et rose, prout-prout à souhait, tout ce que tu détestais, mais elle... Elle c'était une princesse, elle adorait ça. Et en même temps, tu la voyais pas ailleurs. Regardant d'un oeil suspicieux ce qu'elle dégustait, tu la vis sourire alors qu'elle te parlait « Tu en veux ? », « Non. Trop sucré pour moi ça... » T'appuyant au dossier de ta chaise inconfortable, lui ayant laissé l'éternelle banquette, tu t'étiras doucement les trapèzes. Dolorès était légèrement excitée, et elle te répéta, sourire aux lèvres « Alors ? Une idée ? » Remuant la crème de sa cuiller longiligne, elle te regarda avec ses yeux gourmands. Tu les aimais ses yeux à elle. Tous ses sentiments filaient à travers. Quoi qu'elle pensât, tu pouvais tout deviner, du moment que tu la regardais. Tu laissas volontairement planer le silence, comme si tu réfléchissais, alors qu'elle trempa ses lèvres dans le chocolat, tu la vis s'essuyer rapidement avec la serviette « Je sais pas... Ce que t'as l'habitude de m'offrir. Des fringues ou des livres. », « Han, han... » dit-elle, comme si elle prenait note. T'étouffas un sourire, comme tu avais l'habitude. Ne jamais s'exposer en public. Sourire aux gens était une faiblesse. Lui sourire à elle, était un honneur. Tu tendis ta main de l'autre côté de la table « Bella... Tu en as mis partout... » Ton ton était doux, chaud, résonnant presque dans le café. Tu savais ce que tu faisais en employant ce genre d'intonation qui se voulait velouté. Mais votre bulle à vous deux était trop confinée, trop intime pour que quiconque y pénètre. Ayant enlevé la trace de chocolat du coin de sa bouche, tu portas ton pouce à la tienne pour y goûter. Elle prit sa serviette en disant « Arrête de m'appeler comme ça. » Une fois son visage passé au crible dans son miroir de poche, elle mit billets et pourboire sur la table, te faisant un signe de tête. Tu adorais quand elle faisait ça. L'agacer était un jeu, car elle prenait tout à coup des manières très hautaines, que tu aimais lui voir porter. Se levant elle balança « Tu as entrainement quand ? », « Ce soir de sept à neuf. », « Je peux venir ? » Ce genre de truc, ça t'énervait « Pourquoi tu veux toujours venir ? », « Peut être parce que tu es mon copain et que je m'intéresse à ce qui te passionne ? », « Sérieux Dolorès, les gars parlent de toi après et... », « Ignore les ! A chaque fois que je viens, tu te bats ! C'est pas ça que je veux voir moi, je veux voir Lukas qui joue comme un pro. Je viendrai à huit heures. », « Oh, je t'en pris... » Levant les yeux au ciel, tu soupiras, car tu ne savais rien faire d'autre devant elle. Elle se mit à traverser la rue, te prenant la main, aimant le fait que la tienne réchauffe la sienne, bien minuscule à côté.

Dolorès et toi étiez un couple presque radicalement opposé. Tu étais grand, blond, aux yeux bleus, elle était petite, brune, aux yeux noirs. Tu étais nerveux, elle était vivante. Tu aimais le noir et le rouge, elle aimait le rose et le bleu. Vous étiez deux êtres différents. Différents, mais tellement complémentaires.


T’as gagné le match, t’as fini la partie, et d’un regard circulaire, tu ne la vis pas dans les gradins. Tes collègues t’emmenèrent, avec le flot de la joie, sur le rebord de la patinoire, et jusqu’aux vestiaires. C’était la première fois qu’elle ne venait pas, en quatre ans, à l’un de tes matchs. La crosse en bois dans les mains, tu ne trouvas rien de mieux à faire que la serrer pour évacuer ta rage. Malheureusement, l’objet se brisa en deux, et un de tes collègues s’empressa de te retirer les bois tranchant des doigts « Habille-toi. » Comme un automate, tu suivis l’ordre, t’habillant rapidement.

Tu traversas la rue, et entra dans sa résidence. Le code, tu le connaissais par cœur. Arrivé en haut, tu ne pris même pas la peine de frapper, et tu entras directement chez elle.
Elle regardait un film comique. Lorsqu’elle sursauta et se dressa dans son canapé, tu vis les larmes imbibées ses joues. Furieux, tu claquas la porte, et elle se leva, se reculant jusqu’au mur. Tu l’emprisonnas de tes bras, avant d’attraper sa mâchoire entre ta main, la forçant à t’embrasser. Elle ne voulait pas. Elle était malheureuse de l’homme que tu étais devenu. Elle aimait le Lukas qu’elle avait connu, pas la bête noire qui s’était acharnée sur elle. Tes harcèlements la rendaient folle. Elle ne savait plus quoi faire, ni où se réfugier « Pourquoi t’es pas venu » Tu crachais ton venin, alors qu’elle, elle avait du mal à toucher pieds à terre tant tu la soulevais « RÉPONDS ! » Elle toussa « Re... Repose-moi... » T’exécutant, tu l’acculais contre le mur alors qu’elle attrapait ton poignet pour se remettre de ses émotions. Elle essuya son visage « Je ne... Je ne peux plus te voir Lukas. Tu... Tu me frappes, tu m’as cassé une côte, tu comprends... ? Écoute, tu... », « Mais je t’aime moi, tu sais. » Elle n’osait même pas te regarder, préférant fixer autre chose. Tu attrapais son visage ses cheveux, mais tu ruisselais de colère et de haine. Tu ne comprenais pas, pour toi, rien n’avait changé. Seulement, et bien que tu reproduisais le même schéma avec les anciennes, elles, elles avaient l’intelligence de partir bien avant que tu ne les aimes. Mais elle...
« Dolorès... », « Lukas, écoute je vais t’aider... Il faut que tu ailles voir un psychologue. Il se peut qu... » Elle se tut. Tu t’étais décalé violemment d’elle. Sous l’emprise de tes sentiments exacerbés, ton poing fila sur le mur, à côté de sa tête. Elle cria, se protégeant en partant de l’autre côté « J’APPELLE LES FLICS ! DÉGAGE D’ICI ! » Serrant le téléphone, tu entendis qu’elle avait déjà composé le numéro. Lui arrachant le cellulaire des mains, tu l’éclatas par terre. Seulement, un voisin la sauva.

On frappa à la porte, et elle ne répondit pas « Vous allez bien mademoiselle Stark ? J’ai entendu crier ! » Elle ne répondit toujours pas. Tu pris la fuite.
La menaçant de ton regard bleu, et pourtant si tranchant, tu ouvris la porte, et passa à côté du type pour descendre les escaliers, partant de là.

Deux jours après tu revins la chercher.
Deux jours après, elle avait déménagé.